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Pendant des années, j’ai regretté à cette tribune que le budget primitif soit examiné avant le compte administratif de l’année précédente. Ce n’est plus le cas depuis 2021. Dorénavant, le budget primitif est examiné après le compte administratif, ce qui permet au BP de prendre en compte l’excédent réalisé l’année précédente.

Je tiens à vous remercier, M. le président, pour cette modification du calendrier de notre assemblée, une modification qui est tout sauf accessoire, car elle nous permet de juger ce budget primitif 2023 à l’aune des 394 M d’euros d’excédents réalisés en 2022, et de ce que vous en faites.

Mais je note tout d’abord que vous maintenez vos larmes de crocodile concernant la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Je ne reviendrai pas là-dessus, sinon pour m’étonner encore une fois que vous critiquiez ici ce que vos amis votent au Parlement, conformément à l’alpha et l’oméga de la pensée économique de la droite, à savoir la baisse des impôts des entreprises. Assumez donc la mise en œuvre de ce mantra, et ses conséquences, clairement explicitées dans le projet de loi de finance pour 2023, à savoir que ce sont les administrations de sécurité sociales qui financeront la suppression de la CVAE.

Faire payer l’allégement des impôts des entreprises par les chômeurs, les malades et les retraités, c’est bien le programme porté par la droite depuis des années, défendu dernièrement encore par votre candidate à l’élection présidentielle.

Cela dit, je relève néanmoins dans ce budget primitif quelques points positifs.

Concernant les alternatives à l’automobile, 70,2 M€ seront consacrés aux études et travaux d’infrastructures de transports collectifs. Du côté des mobilités douces, le plan vélo bénéficie de 6,6 M d’investissement prévu, ce qui n’est pas négligeable, même si c’est un peu moins que le coût des grosses réparations des infrastructures (7 M) mises à mal par des véhicules individuels de plus en plus gros et de plus en plus lourds.

Concernant la culture, un effort conséquent de 29 M est prévu en dépenses d’investissement, essentiellement pour le prestigieux musée du Grand siècle.

Mis à part ces quelques points positifs, ce budget manque singulièrement d’ambition.

Puisque les données du compte administratif 2022 sont disponibles, ce sont elles que j’utiliserai comme base de comparaison, en intégrant l’inflation prévue en 2023, estimée par la Banque de France à 5,4 % en moyenne annuelle, en incluant l’énergie et l’alimentation que l’on n’a aucune raison d’exclure, tant ces postes sont importants dans le budget d’un département.

Si l’on prend en compte ces prévisions de la Banque de France, nombre d’augmentations mises en avant dans ce rapport sont fictives, puisqu’elles elle ne couvrent pas – ou si peu – l’inflation.

Par exemple, l’augmentation affichée des dépenses d’action sociale est en fait limitée à 1% par rapport au compte administratif 2022, une fois prise en compte ces prévisions d’inflation.

Lors de la dernière séance publique, M. le président a récusé l’affirmation de notre collègue Timotéo, qui soutenait que l’essentiel de l’augmentation affichée du budget consacré à l’action sociale était porté par les revalorisations salariales accordées dans le cadre du Ségur. M. Le président mettait notamment en avant la hausse du budget consacré au FSL. Pourtant, le rapport consacré au FSL, qui sera examiné tout à l’heure, montre plutôt une stabilité de ce budget, qui devrait se poursuivre en 2023.

Lors du débat d’orientation budgétaire, vous évoquiez également, M. le Président, la nécessité de développer le maintien à domicile des personnes âgées : pourtant, le budget consacré à ce maintien à domicile évolue peu, et son évolution reste en-deçà de l’inflation prévue.

Lors de ce même débat, je pointais pour ma part la baisse des crédits consacrés aux ménages en difficulté. Ces crédits ont encore été diminués par rapport à ce que prévoyait le DOB.

Je pointais également la baisse des crédits dédiés à la petite enfance. Vous m’aviez répondu, M. le président, que cette baisse était la conséquence de la municipalisation des crèches départementales, ajoutant même que tous les maires avaient accueilli favorablement cette mesure. Je me dois de vous contredire : nous n’avons jamais accueilli favorablement cette mesure, dénonçant au contraire un désengagement du Département qui allait se traduire, inévitablement, par des dépenses considérables pour les villes concernées.

Au bout du compte, je regrette que les remarques constructives formulées lors du débat d’orientations budgétaires n’aient pas été prises en compte, et que ce budget primitif ne profite pas de l’excédent 2002 pour mener une politique plus ambitieuse là où sont les besoins.

Je le regrette d’autant plus que vous poursuivez, en revanche, un monopoly immobilier aussi hasardeux que coûteux. A ce titre, les difficultés à finaliser la vente du siège historique, couplées aux incertitudes quant au devenir de l’immobilier de bureaux, devraient vous inciter à plus de prudence et, à tout le moins, à temporiser quelques temps ces investissements pour les réorienter vers d’autres usages plus utiles.

Je note, également, que vous mettez de côté près de 33 millions d’euros pour des dépenses imprévues. Je doute que vous ayez jamais puisé, ces 10 dernières années, dans cette cagnotte de sécurité qui préfigure surtout de futurs excédents et qui pourrait être utiliser à autre chose.

A la lutte contre les violences faites aux femmes par exemple.

Certes, près de 2 M€ seront consacrés à l’aide aux victimes et à la lutte contre les violences faites aux femmes, en augmentation de près de 13% par rapport au compte administratif 2022 revalorisé de l’inflation prévue cette année. Certes, vous venez d’accéder à la demande, formulée depuis 20 ans, de créer enfin un observatoire départemental. Mais notre département manque toujours d’une politique de coordination avec les villes sur les différentes formes d’accueil des femmes victimes de violence, qu’il s’agisse de l’accueil d’urgence ou du changement de logement. Je veux croire que l’observatoire permettra de faire avancer cette coordination.

Toujours sur le logement justement, je persiste à regretter votre refus de financer la construction de logements sociaux dans les communes dont le taux SRU est supérieur à 35%.

Cette règle revient à donner la prime aux mauvais élèves et dissuade de tout effort les communes qui ont déjà un taux de logements sociaux supérieur à celui exigé par la loi. Elle sanctionne également celles qui dépassent ce taux, mais qui souhaitent poursuivre leurs efforts afin de mieux répartir les logements sociaux sur leur territoire et continuer d’offrir des solutions à leurs habitants.

Cette mesure, également, entrave le dynamisme économique du département, qui perd de son attractivité. Ce n’est pas moi qui le dit, mais vos propres services, dans un récent rapport mentionnant, au titre des faiblesses et menaces pesant sur le département, je cite, la « faible part de logements sociaux ordinaires », les difficultés qui en découlent pour loger les travailleurs essentiels, la « dépendance de l’Ouest francilien à d’autres territoires pour répondre aux besoins en main d’œuvre de l’économie présentielle » et « le déclin démographique à venir mettant en péril les équilibres financiers de certaines collectivités ».

Et dernièrement encore, le journal Les Echos, bien connu pour être un brûlot marxiste, évoque une crise sans précédent du logement abordable, face à laquelle votre obstination à décourager les maires qui souhaitent faire du logement abordable est tout bonnement incompréhensible.

Pour conclure, il s’agit bien d’un budget de continuité des choix politiques suivis depuis des années, un budget bien peu ambitieux, timoré, eu égard à la fois aux moyens disponibles et à l’urgence des besoins.

C’est pourquoi nous voterons contre.

Je terminerai en évoquant l’expérimentation d’une évaluation environnementale du budget du département. On ne peut qu’applaudir à cette initiative, même si, en l’état, les informations transmises par cette annexe sont… j’allais dire indigentes, mais je me contenterai de les qualifier d’insuffisantes, s’agissant d’une expérimentation.

Avec quelques contradictions : le BP évoque 83 millions d’investissement dans le domaine de la voirie, et l’annexe, 45 M€ seulement. Dont plus de la moitié sont réputées « favorables à l’environnement ». J’apprécierai de connaître le détail des calculs permettant d’arriver à cette conclusion flatteuse, et surtout, le diable se nichant dans les détails, le label attribué aux 18 M€ manquants.