« Après neuf mois de grève, la situation des salariés sans papiers de Gennevilliers toujours au point mort » – Le Parisien – 21 juillet 2022 – Par Olivier Bureau
En grève depuis novembre dernier, les 83 salariés de la société RSI manifestaient ce jeudi devant la Direction régionale de l’économie, à Nanterre. Malgré quelques avancées, ils ne sont toujours pas régularisés.
Ils ne comptent ni baisser les bras, ni desserrer les poings. Ce jeudi en début d’après-midi, quelques dizaines de salariés sans papiers se sont rendues devant les locaux de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS), à Nanterre (Hauts-de-Seine). Une manifestation sans grand espoir après neuf mois de grève, pour ceux de RSI, basée à Gennevilliers, du moins. Ils étaient accompagnés par d’autres salariés dans la même situation qu’eux, ceux de Chronopost à Alfortville (Val-de-Marne) et ceux de DPD, au Coudray-Montceaux, en Essonne.
Depuis le 22 octobre dernier, les quelque 80 salariés sans papiers de la société d’intérim RSI ont cessé le travail avec un objectif qui n’a pas varié d’un iota : obtenir la régularisation de tous. Depuis novembre, ils occupent une tente fournie par la mairie et dressée devant la société RSI, à deux pas du pont de Gennevilliers. Ces neuf mois ont été jalonnés d’actions, de manifestations, d’avancées et d’autant de reculs. Le froid, la pluie, la canicule n’ont pas entamé leur détermination.
« La solidarité nous aide à tenir »
En décembre, RSI avait délivré un Cerfa, ce certificat prouvant le travail, document indispensable à toute procédure de régularisation, à 80 d’entre eux. Quatre mois plus tard, la préfecture évoquait 30 cas régularisables. Depuis… rien. « On est au bout du bout. Il ne nous reste rien à perdre. On sera régularisés mais quand ? On a travaillé sans papiers mais c’est terminé, assure Mahamadou, un des porte-parole du groupe. On veut travailler avec ! »
Dès le départ, les grévistes ont reçu le soutien inconditionnel de la municipalité, des élus de gauche du secteur et ont organisé leur mouvement grâce au collectif des sans-papiers de Vitry. La ville leur a fourni un barnum et des commodités. Leur tente et les braseros font presque partie du paysage. Elsa Faucillon et Denis Datcharry, respectivement députée et conseiller départemental PCF, ont été de chaque rassemblement et les ont représentés en préfecture.
« C’est sans fin »
Aujourd’hui pourtant, il s’agit bien de survie et de résistance, et plus d’un conflit classique. « On est fatigué mais on veut encore y croire, martèle Mahamadou. On mange sur place, on dort sur place. De toute façon tout notre argent a fondu ces derniers mois : certains ne pouvaient plus payer leur appartement. La solidarité nous aide à tenir. » Régulièrement, des habitants de Gennevilliers fournissent des vivres, des vêtements et des bouteilles d’eau, si précieuses en ces jours de fortes chaleurs.
Le collectif des sans-papiers est lui aussi un atout qui leur permet de durer. « Le collectif est organisé et puissant. Il a la capacité de tenir économiquement », reconnaît Christian Schweyer, son porte-parole. Chaque manifestation ou rassemblement de gauche est l’occasion de récolter des fonds. Des structures comme la CGT ou Solidaires ont également mis la main à la poche. « On a aussi pas mal de dons de particuliers, ajoute Christian. Lors de la dernière fête de Lutte Ouvrière, un couple a donné 400 euros ! »
Alors que la situation semble dans l’impasse avec la préfecture, Denis Datcharry a du mal à contenir sa colère. « Je suis furieux, gronde l’élu. C’est sans fin. On a eu plusieurs rendez-vous, on a dû fournir des tableaux, des fiches de paye et au final, rien n’avance. Quel est le but de l’État en refusant de régulariser ces salariés ? C’est révoltant. »
Contactée, la préfecture des Hauts-de-Seine n’avait pas donné suite à nos sollicitations ce jeudi à l’heure où nous publions ces lignes.