Monsieur le président, Cher.e.s collègues,

Vous avez effectivement plutôt des raisons de vous réjouir de ce rapport de la Chambre régionale des comptes qui, je cite, loue « depuis 2015 une démarche de modernisation, de régularisation et d’amélioration de l’efficience qui est à mettre au crédit du département ».

Mais de qui proviennent ces louanges ? Qui parle ?

Des chercheurs, je pense notamment à Jean-Luc ALBERT et Thierry LAMBERT, tous deux professeurs de droit public à l’université d’Aix-Marseille, se sont penchés sur les rapports de la Cour des comptes et de ses filiales, les Chambres régionales des comptes. Ils montrent que ces institutions font la promotion d’une conception néo-libérale des finances publiques, marquée notamment par une vision gestionnaire et une obsession de la réduction de la dépense publique.

Dépassant leur prérogative, qui est de mettre à jour des anomalies de gestion, la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes accompagnent une conception des finances publiques héritée du « new public management » développé dans les pays anglo-saxons. Une conception qui cherche à transposer dans le secteur public les méthodes de gestion du secteur privé.

Je dis « accompagnent », et non « imposent », car cette conception néolibérale des finances publiques convient très bien à Emmanuel MACRON, comme elle convenait avant lui à Nicolas SARKOZY et, hélas, à François HOLLANDE. Il n’est donc pas étonnant que la Chambre régionale des comptes vous félicite : vous appliquez au département, et notamment à son pôle solidarité, les recettes mises en œuvre, par exemple, pour l’hôpital public, avec les mêmes résultats : des économies, certes, mais au prix d’une mise en cause du professionnalisme des agents et d’une profonde désorganisation des services.

En ce sens, et malgré vos efforts pour affirmer le contraire, vous êtes des bons soldats du macronisme. Je ne doute pas, d’ailleurs, que quelques-uns des honorables membres de votre majorité sortiront du bois d’ici quelques semaines, mais ceci est un autre sujet…

Pour notre part, si nous approuvons en partie le constat établi par la Chambre régionale des comptes, nous n’approuvons pas les conclusions implicites qu’elle en tire. La Chambre régionale des comptes est dans son rôle quand elle détaille les raisons qui président à la formation des excédents budgétaires du département, pas quand elle dit ce qu’il conviendrait d’en faire.

Concernant le constat donc, la Chambre régionale des comptes pointe une prudence excessive dans les prévisions budgétaires du département et des excédents jugés « pléthoriques ». Ces deux phénomènes, bien entendu, sont étroitement lié, comme je vous le répète depuis des années.

La Chambre régionale des comptes explique l’essentiel de ces excédents budgétaires par le taux élevé appliqué par le département pour les DTMO, les droits de mutation à titre onéreux. Ce que l’on nomme un peu abusivement « les frais de notaire », qui s’appliquent aux transactions immobilières. Dans l’optique néolibérale qui est celle de la Chambre, ces taux sont trop élevés eu égard aux besoins du département.

Nous considérons, au contraire, que le taux élevé de ces DTMO est une bonne chose. Nous considérons, en effet, que c’est une bonne chose qu’un prélèvement sur les transactions immobilières, notamment celles concernant le tertiaire et les immeubles de bureaux, serve à financer des services publics. Ce qu’il conviendrait de faire, c’est de trouver comment bien dépenser cette manne pour que le département remplisse ses prérogatives dans l’intérêt de ses habitants, et ne pas se contenter d’accumuler des excédents indécent eu égard aux besoins du département et de ses habitants.  

Car si vous n’y prenez garde, le gouvernement va vous faire les poches. L’un des candidats, en bonne position pour l’emporter, ne fait pas mystère, en effet, de son intention de récupérer partout où il le pourra de quoi rembourser la dette engendrée par la pandémie et le « quoi qu’il en coute ». Et en affichant des excédents « pléthoriques », vous allez lui faciliter la tâche. C’est une véritable invitation à se servir !

Pour réduire cet excédent, la Chambre régionale des comptes, à qui l’on a pourtant rien demandé, envisage plusieurs pistes : baisse de la fiscalité, donc, mais aussi remboursement anticipé des emprunts ou encore augmentation de la contribution à la péréquation, ce qui ne constituerait pas, au niveau des principes, la plus mauvaise des solutions.

Pour notre part, nous avons des idées différentes sur ce qu’il conviendrait de faire de ces excédents. Très concrètement, nous considérons que cette manne devrait être utilisée pour réduire les inégalités dans le département, et ce de deux manières : en accentuant, partout, les interventions du département sur les compétences, essentiellement sociales, qui sont les siennes, et en accentuant plus particulièrement les aides aux territoires les plus défavorisés.

La Chambre régionale des comptes met à votre crédit une forte diminution des effectifs du département : les dépenses de personnel, se réjouit-elle, ont diminué de plus de 2% par an en moyenne entre 2014 et 2019, soit 1333 agents en moins, soit encore près de 23% des effectifs. Cette baisse concerne à plus de 43% le pôle solidarité, qui a perdu 578 agents dans cette même période.

Au vu de ces chiffres, je comprends mieux les difficultés de nos concitoyens les plus modestes à obtenir de l’aide des services sociaux du département ! Une carence des services sociaux du département d’autant plus dommageable dans la période de crise que nous traversons !

C’est pourquoi, face à cette situation, nous proposons un vaste plan d’embauche de travailleurs sociaux dont le département manque cruellement, en revalorisant leur salaire, sans quoi vous ne parviendrez pas à les convaincre de venir. Vous avez déjà commencé, et je porte cela à votre crédit, mais il faut aller plus loin encore, et surtout, plus vite.

D’ailleurs, un tel recrutement massif n’aurait que peu d’effet sur le bas de laine du département. Le rapport de la Chambre régionale des comptes lui-même relativise la contribution de ces postes vacants aux excédents, une contribution qu’il estime à 28 M€ par an. Il considère ainsi, je cite, que « le comblement des actuelles vacances de postes (…) n’écornerai(en)t que de façon marginale l’excédent structurel ». Et ce modeste coup de canif profiterait à l’ensemble de la population du département.

A côté de sa politique « généraliste », pour l’ensemble de la population, le conseil départemental a des interventions plus ciblées sous la forme de subventions en direction des communes, via les contrats de développement.

Ces subventions, indique la Chambre régionale des comptes, « représentent une part croissante du budget départemental ». Mais la Chambre pointe également d’importantes disparités, avec des montants qui, selon les communes, s’échelonnent de 31€ à 130€ par habitant.

Globalement, ces disparités, exposées dans l’annexe 4 du rapport, sont peu compréhensibles.

Ainsi, Bourg-la Reine, la Garenne-Colombes et le Plessis-Robinson ont été particulièrement gâtées. Je ne m’attarderai pas sur le fait qu’il s’agit de communes dirigées par la droite, mais plutôt sur l’indicateur du taux de pauvreté, qui est celui utilisé par la Chambre régionale des comptes.

Toutes ces communes ont en effet un taux de pauvreté inférieur à la moyenne départementale, qui est de 11,9%, voire très inférieur s’agissant par exemple du Plessis-Robinson, où le taux de pauvreté est de 6%, ce qui n’a pas empêché la ville de bénéficier de subventions du département à hauteur de 93 € par habitant, contre 54 € en moyenne départementale.

De l’autre côté du spectre, Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne, qui sont les 2 communes des Hauts-de-Seine où le taux de pauvreté est le plus important, ont pu bénéficier de la part du département d’un niveau de subvention légèrement au-dessus de la moyenne départementale.

Mais pas les communes qui viennent après en terme de taux de pauvreté, à savoir, dans l’ordre : Clichy, Nanterre, Bagneux, Colombes et Asnières-sur-Seine. Ces communes ont perçu moins de subventions que la moyenne départementale. Nanterre et ses trois quartiers classés prioritaires au titre de la politique de la ville, par exemple, a été moins aidée par le département que Neuilly, Levallois ou Boulogne-Billancourt.

Je sais ce que vous allez répondre, M. le président : « on finance là où il y a des projets ». Mais des projets, il y en a plein à Nanterre, et je veux bien organiser une visite pour vous les montrer si vous en doutez !

Je conclurai sur ce constat formulé par la Chambre régionale des comptes : notre département est riche, mais cette richesse n’est pas uniforme. Au lieu d’accumuler des excédents, un objectif autrement plus ambitieux pour le département serait de mieux soutenir nos concitoyens qui ont besoin de soutien et d’accompagner les communes les moins riches pour qu’elles rattrapent autant que faire se peut le niveau de vie des autres villes des Hauts-de-Seine.

C’est cet objectif politique que nous porterons inlassablement dans cette assemblée.