Monsieur le Président, cher-e-s collèges,

Le scénario budgétaire que vous nous proposez pour cette année 2019 suit pas à pas ceux des années précédentes. En voici chacune des étapes habituelles :

  • En novembre, un débat d’orientation budgétaire au cours duquel vous dénoncez avec vigueur les contraintes budgétaires derrière lesquelles vous vous abritez pour préparer la compression à venir des dépenses de fonctionnement ;
  • En décembre, un budget primitif qui réduit donc ces dépenses, sur la base de prévisions de recettes toujours largement inférieures à la moyenne des résultats réels observés les années précédentes. C’est particulièrement vrai pour les droits de mutation, sous-estimés de 32% en moyenne ces dernières années, entre le BP et le CA ;
  • En mars, vous constatez généralement que la hausse des produits de la TFPB et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est supérieure à ce que vous aviez prévu ;
  • Mais le véritable coup de théâtre est réservé à la séance de mai, où l’étonnement est général : l’année précédente, vous aviez été bien trop prudents dans vos prévisions, et vous retrouvez avec un excédent budgétaire conséquent – je rappelle qu’en 2016 et 2017 il frisait le demi-milliard.

C’est d’ailleurs bien là le seul suspens dans ce scénario : à combien se montera l’excédent pour l’année 2018 ? Battrez-vous à nouveau vos propres records ?

Nous commentons donc aujourd’hui la 3e étape, celle de mars, et constatons en effet que le produit de la fiscalité directe est en hausse de 24,2 millions d’euros par rapport à l’an dernier. Sachant que la contribution du Département aux mécanismes de péréquation augmente, elle, de 14 millions d’euros cette année, ce qui témoigne d’ailleurs de votre bonne santé financière, cela vous laisse donc 10 millions d’euros de recettes supplémentaires par rapport à 2018. Et pourtant, vous avez voté un budget primitif dans lequel les dépenses de fonctionnement baissent de 6 millions d’euros.

Face à ce scénario si conventionnel, vous me pardonnerez d’être moi aussi quelque peu répétitif dans mes interventions. Mais quand je me souviens des arguments de prudence et de prévoyance qui vous ont servi à justifier les 6 millions d’euros de baisse des dépenses au budget primitif, alors que le produit de la fiscalité directe est en hausse, comme chaque année, je suis contraint de vous reposer la question : comment expliquez-vous que vous reproduisez systématiquement les mêmes erreurs de calcul et de prévisions ?

Il y a toutefois un changement cette année. Mais il ne vient pas de vous. Il vient de toute la société autour de vous, qui elle, évolue. Et qui vous envoie des signaux de plus en plus nombreux, que vous seriez bien avisés d’entendre, signifiant que vous touchez aux limites de ce qui peut être supporté en termes d’inégalité et d’injustice.

C’est votre propre camp politique qui finit par prendre une décision de justice sociale que nous vous réclamions depuis des mois, et que vous rejetiez obstinément, lorsque Valérie Pécresse annonce que la Région prendra en charge le subventionnement du Pass Navigo pour les retraités de plus de 65 ans.

C’est le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, qui, le 19 mars dernier, condamne les Hauts-de-Seine pour non-respect du droit des mineurs isolés étrangers, non-respect que nous dénonçons depuis plusieurs mois, alors que ce Département qui est parmi les plus riches de France ne se donne pas les moyens d’assurer un accueil décent et adapté pour ces enfants.

Ce sont les agents du Pôle Solidarité qui se mobilisent et se révoltent, face aux réductions d’effectifs et aux réorganisations qui les accompagnent ou plutôt qui les maquillent sous un vocabulaire managérial : rationalisation, mutualisation, efficacité. Sur ce sujet également, nous vous avions mis en garde ; et particulièrement sur la situation absolument catastrophique des services du pôle Solidarité, qui n’est plus supportable pour ses agents.

Je vous rappelle ainsi ces quelques chiffres sur lesquels nous n’avons eu de cesse de vous interpeller. D’après les rapports d’activité, les effectifs sont passés de 6 500 agents en 2011 à 5 302 en 2017, soit 1 198 agents en moins en 6 ans, c’est-à-dire une réduction de 18,5%. Les syndicats annoncent pour leur part des chiffres encore plus édifiants, qui j’imagine sont calculés sur la base des quotas pour les élections professionnelles : 7 800 agents il y a 5 ans, 4 800 aujourd’hui.

Ces suppressions de postes à tout va touchent particulièrement les services sociaux, progressivement dépecés, au point que certaines unités ont vu leurs effectifs diminuer de moitié en huit ans à peine. Je pense par exemple à l’unité d’Aide Sociale à l’Enfance dédiée au territoire de Nanterre, Rueil et Suresnes, qui comptait 60 agents en 2011, contre 35 à l’heure actuelle.

Ces réductions ont en tout cas correspondu, dans le même temps, à deux autres baisses drastiques : celle du budget alloués au chapitre « actions sociales » des comptes administratifs, qui a diminué de 22,5 millions d’euros ces deux dernières années, et celle du nombre d’interventions et d’actions réalisées par les travailleurs sociaux.

Ces interventions ont chuté de 38% ces huit dernières années. Le nombre de ménages concernés a chuté, lui, de 50%. Le nombre d’enfants vus en consultation dans les PMI, de 19%. Les crédits alloués aux associations d’aide aux jeunes en difficulté, de 47%. Le nombre d’aides accordées dans le cadre du Fonds de Solidarité pour le Logement, de 68%. Le soutien aux associations œuvrant en faveur des personnes handicapées, de 10%.

La décision de la Région de financer le Pass Séniors, la condamnation du Département pour non-respect du droit des mineurs isolés étrangers, la mobilisation croissante de vos agents contre l’abandon de vos missions de solidarité ; tous ces événements sont autant d’échecs, de revers pour votre majorité. Sur tous ces sujets, nous vous avions pourtant alertés. Vous n’avez pas voulu nous entendre.

Et aujourd’hui, vous nous demandez de fixer le taux de la TFPB sans nous communiquer le résultat du compte administratif de l’année précédente, dont pourtant vous disposez depuis longtemps déjà. La plupart des collectivités, qui n’ont pas votre marge de manœuvre, tiennent compte de ce résultat dès le budget primitif. Si vous acceptiez de nous le communiquer en toute transparence, nos débats seraient peut-être un peu moins artificiels et donc caricaturaux.

Notre groupe prend toutefois le pari qu’à la séance de mai, vous nous présenterez un compte administratif 2018 largement excédentaire. Il démontrera a posteriori que vous n’aviez aucun besoin de compresser les dépenses de fonctionnement comme vous l’avez fait au budget primitif, sachant que vos recettes fiscales augmentent, et que le Préfet vous autorisait à dépenser 14 millions d’euros supplémentaires.

Je voudrais donc réaffirmer un fait, à l’attention de tous les élus et les acteurs des 36 communes des Hauts-de-Seine, des associations qui s’y impliquent, et à l’attention de vos agents. A l’attention de tous ceux qui se demandent pourquoi certains services, pourquoi certaines actions sont si peu financés.  A leur attention, et au sein de cette assemblée, je réaffirme le fait suivant : le Département des Hauts-de-Seine a cette particularité de ne pas avoir besoin de baisser ses dépenses pour faire face aux contraintes financières que rencontrent l’ensemble des collectivités. Il n’a même pas besoin de baisser ses dépenses pour dégager de l’autofinancement afin d’investir. Il a les moyens. D’ailleurs, quand il s’agit du quartier d’affaires de La Défense, il les trouve, et facilement.

C’est pourquoi nous vous proposons, pour la séance de mai au cours de laquelle nous voterons aussi le budget supplémentaire, de ne pas vous en tenir à votre scénario classique et habituel, mais d’opter pour un scénario audacieux. Un scénario qui consisterait à utiliser cet argent dont vous disposez, pour engager des dépenses utiles, justes et de nature à améliorer la qualité du service rendu aux alto-séquanais.

Monsieur le Président, chers collègues : servez-vous de votre marge financière pour garantir à la cellule d’accompagnement des mineurs non-accompagnés les moyens qui lui permettraient de tous les accueillir (ce qui est une autre question que celle de traiter les dossiers), afin qu’aucun d’entre eux ne se retrouve à la rue, sans solution et sans aide. Servez-vous en pour rétablir les subventions aux unions syndicales départementales instituées depuis plus de 40 ans, et que vous venez de supprimer, alors qu’elles correspondent à des actions concrètes pour accompagner et défendre les salariés du département.

Surtout, servez-vous en pour rétablir les moyens des Espaces Départementaux d’Action Sociale et des unités d’Aide Sociale à l’Enfance, afin que leurs agents puissent proposer un accompagnement sérieux et de qualité à l’ensemble de ceux qui en ont besoin ; et ils sont nombreux aujourd’hui dans les Hauts-de-Seine.

Bien évidemment, compte tenu de la condition financière très confortable des Hauts-de-Seine, il ne saurait être question de relever le taux de la TFPB. Toutefois, le produit de cette taxe viendra cette année encore alimenter un excédent astronomique et inutile, au lieu de financer des dépenses qui ont du sens. C’est pourquoi, cette année encore, notre groupe votera contre le rapport que vous nous présentez ici.

Je vous remercie.