Monsieur le Président, cher-e-s collègues,

Vous introduisez le rapport de l’activité des services du Département pour l’année 2017 par cette phrase : « Le Département, un échelon indispensable ». Toute la question est de savoir pour qui. Ce rapport constitue ainsi un bon révélateur du fonds politique qui est le vôtre : il permet de comprendre au service de qui vous vous placez, pour peu que l’on ne regarde pas seulement ce qui apparaît, mais que l’on regarde aussi, en creux, ce qui se distingue de moins en moins, ce qui s’efface année après année, jusqu’à ne plus apparaître nulle part.

Ainsi en va-t-il de l’activité qui constitue en principe le cœur même de votre existence, à savoir l’action sociale. Vous nous rappelez ainsi que le pôle Solidarités est organisé depuis 2016 en 7 territoires. Vous indiquez ensuite que cette réorganisation répond à plusieurs objectifs : « améliorer le service rendu à la population, favoriser une meilleure couverture territoriale et une meilleure coordination de ses différents services ».

Vous revendiquez des résultats énoncés de manière volontairement vague : « lancement de plusieurs chantiers pour améliorer et moderniser l’accueil du public, renforcement des partenariats avec les acteurs locaux et développement de la pluridisciplinarité des interventions ».

Ce dont votre rapport ne parle pas, c’est de la situation absolument catastrophique de vos services sociaux, depuis cette réorganisation. Je veux en prendre pour exemple le cas de l’ EDAS de Nanterre. Cette structure avait déjà perdu 1 poste d’adjoint au responsable et 2 assistantes sociales en 2013. Depuis 2016, elle a perdu pas moins de 10 postes supplémentaires : 2 autres postes d’adjoints au responsable de la structure ; 3 autres postes d’assistantes sociales, et 5 postes d’agents administratifs !

A ces pertes sèches, s’ajoutent des vacances de postes quasi-permanentes. A commencer par le poste de chef du service territorial comprenant Nanterre, Rueil et Suresnes, poste vacant depuis 1 an ½. C’est la cheffe de service du territoire de Villeneuve-la-Garenne, Gennevilliers et Asnières qui assure l’intérim depuis cette date. Pour l’ EDAS de Nanterre, comptez également 7 postes de travailleurs sociaux non pourvus !

Le tableau est le même pour les services de l’Aide Sociale à l’Enfance. Pour le territoire de Nanterre, Rueil et Suresnes, ils comptaient 60 agents en 2011, contre 35 à l’heure actuelle. Ils fonctionnent désormais avec un seul chef de service quand celui-ci disposait d’un adjoint ; avec deux responsables d’équipe alors qu’ils en avaient trois ; avec 4 ou 5 postes de travailleurs sociaux et trois postes d’agents administratifs vacants.

Quant au poste de régisseur en charge de la remise des aides aux familles et aux jeunes, il a été supprimé. Les usagers doivent désormais se déplacer à la trésorerie départementale : le délai de remise des secours d’urgence est de 15 jours alors qu’auparavant il n’excédait pas une semaine.

Ce dépeçage des services sociaux a des conséquences concrètes, palpables, quotidiennes.

D’abord pour les salariés de ces structures. La très forte baisse de leurs effectifs contribue à dégrader le cadre et les conditions de travail des agents. L’encadrement très réduit ne permet plus d’assurer leur accompagnement et leur montée en compétences. La surcharge de travail qui en découle et l’incertitude totale sur le devenir des postes vacants rendent ceux-ci bien peu attractifs et difficiles à pourvoir.

Les conséquences de cette déliquescence sont également très réelles et très lourdes pour les habitants des Hauts-de-Seine.

D’abord, ils sont bien moins nombreux qu’avant à être reçus. Par exemple, en 2009, ce sont 8 343 personnes qui avaient été reçus par l’ EDAS de Nanterre ; 6 377 en 2013, et 5 082 aujourd’hui. Soit une baisse de 39% de l’activité de cette structure en 9 ans ! 39% ! Qu’est-il advenu des 3 261 personnes reçues en 2013, et qui ne le sont plus aujourd’hui ? Vers qui se sont-ils tournés, comment font-ils face à des difficultés qui n’ont certainement pas disparu entre-temps ? A Nanterre, le taux de pauvreté n’a pas baissé ; il a même légèrement augmenté à près de 21%.

Quant à ceux qui peuvent encore être reçu, ils font face à une qualité d’accueil et de prestations dégradée à tous points de vue. Les délais, par exemple, se sont considérablement rallongés. Pour les services de l’Aide Sociale à l’Enfance, ils sont aujourd’hui de plusieurs mois à chaque étape : entre la transmission d’une information préoccupante et le déclenchement de l’évaluation, entre cette évaluation et l’adoption d’une mesure adaptée, et ensuite pour sa mise en œuvre effective.

Cela signifie que des enfants en danger ne sont pas pris en charge dans les conditions et les délais qui permettraient de les mettre en sécurité. Le Département est défaillant en la matière. Et vous osez parler, dans l’édito du rapport, de « fonctionnement modernisé des nouveaux pôles sociaux » ! ou « d’usagers qui bénéficient d’un accueil plus adapté » ! C’est une conception bien particulière de la modernité. Ou le témoignage d’une grande méconnaissance de la réalité du terrain.

Car dans les faits, la situation est très grave. Le Département abandonne progressivement ses habitants les plus vulnérables, et économise sur leur dos.

Ainsi, cet assèchement des structures sociales et d’aide à l’enfance des Hauts-de-Seine, ces suppressions de postes à tout va, ont correspondu à une baisse de 22,5 millions d’euros du chapitre « actions sociales » des comptes administratifs de ces deux dernières années.

Et ce, faut-il le redire ? Alors que le Département a amplement les moyens de maintenir et même d’améliorer la qualité de ces services. 536 millions d’euros d’excédents pour 2016, 471 millions d’euros pour 2017.

Absolument rien ne justifie de telles restrictions : ni l’état de vos moyens, ni celui des familles des Hauts-de-Seine. Les 190 000 de nos concitoyens qui vivent sous le seuil de pauvreté dans les Hauts-de-Seine, et qui représentent 12% de la population du département, n’ont pas subitement disparu ces dernières années.

Faut-il redire aussi que les politiques sociales et de solidarité, le soutien et l’accompagnement des plus démunis, constituent votre raison d’être ? Que vous en êtes en principe le « chef de file » ?

Dès lors, quel sens donnez-vous à l’idée que le Département est un « échelon indispensable » ? Cette année, pour la 1ère fois, le chapitre « Solidarité » du rapport d’activité arrive après celui sur « Des investissements attractifs » et celui sur le cadre de vie.

Ainsi, mes chers collègues, comme je vous l’ai dit, vous ne trouverez rien, dans ce rapport d’activité, sur le démantèlement progressif des EDAS.

Vous ne trouverez pas grand-chose non plus sur l’action du Département en faveur de l’environnement. Alors qu’il aurait les moyens d’être précurseur et innovant sur ce champ, déterminant pour l’avenir de notre métropole, il se contente du strict minimum.

Vous ne trouverez pas grand-chose, de manière générale, si vous recherchez des actions qui feraient du Département un outil de solidarité, de réduction des inégalités et des fractures territoriales et sociales, de vivre-ensemble, participant à la construction d’une métropole inclusive et durable.

C’est cet état des lieux, ce sont ces choix politiques dont nous prenons acte aujourd’hui.

« Chaque jour, le service public départemental démontre son utilité », nous dites-vous dans votre édito. Mais vous ne dites pas un mot des réductions de personnels : ils étaient 6 500 agents en 2011, ils ne sont plus que 5 302 aujourd’hui. En 6 ans, c’est 1 198 agents en moins, soit une réduction de 18,5% ! Les EDAS et les services de l’ ASE sont loin d’être les seuls concernés par ces suppressions de postes. Bien d’autres services sont touchés, avec les mêmes conséquences sur la quantité et de la qualité des services rendus aux habitants.

Monsieur le Président, nous vous demandons aujourd’hui de nous donner la liste précise des services concernés, et de nous faire parvenir un bilan des réorganisations successives que ces suppressions de postes ont engendrées. Expliquez-nous pourquoi les prestations que ces agents proposaient ont cessé d’être utiles, et qui sont ces usagers qui en avaient besoin hier, et n’en ont plus besoin aujourd’hui.

En tout cas, ceux qui sont encore là ont bien du mérite, qui supportent ces réorganisations successives avec toujours moins de moyens, la dégradation des conditions de travail et la perte de sens qu’elles entraînent, et ce alors que votre excédent est de un demi-milliard d’euros.

Ce sont eux qui sont garants des droits sociaux et économiques si essentiels à la population, eux qui fournissent aux habitants les services dont ils ont besoin, et qui permettent de maintenir une certaine cohésion sociale au sein des territoires. Je tiens au nom du groupe à saluer le travail qu’ils ont accompli cette année encore, malgré les incertitudes.

Je vous remercie.