Exposé des motifs : En mars dernier, un jeune lycéen en apprentissage au lycée Anatole France de Villeneuve la Garenne, s’est vu exclure du dispositif d’accompagnement jeunes majeurs de l’ASE, au motif qu’il était en situation de décrochage scolaire. Or ce lycéen présente une fragilité psychologique médicalement attestée, et cette décision de mise à la rue est venue sanctionner son état de santé, alors qu’il nécessite au contraire un accompagnement et une protection pour « s’accrocher » jusqu’à l’obtention de son CAP. Du jour au lendemain, il s’est retrouvé à la rue, dormant dans un hall d’immeuble, sans nourriture, sans possibilité de prendre une douche, et sans possibilité non plus de poursuivre son traitement médical.  Cette situation a rendu encore plus difficile sa scolarité, à laquelle il n’a malgré tout, pas renoncé.

Malheureusement, ce jeune lycéen n’est pas un cas isolé, et plusieurs associatifs nous font part aujourd’hui d’une réelle disparité de moyens et de pratiques selon les services territoriaux de l’aide sociale à l’enfance. Cette situation n’est pas acceptable.

L’un des objectifs fixés aux jeunes pris en charge par les services du département est d’aller vers une insertion socioprofessionnelle à court terme, afin de devenir autonome. Toutefois, il est indispensable de faire en sorte que ceux d’entre eux qui sont les plus fragiles psychologiquement puissent bénéficier d’un peu plus de temps que les autres, pour mener à bien le processus thérapeutique, qui leur permettra d’avancer dans leur parcours d’insertion.

Par ailleurs, aucune décision de fin de prise en charge ne doit être prononcée en cours d’année scolaire pour des jeunes qui suivent, même avec des difficultés, une formation initiale.

En outre, nous savons qu’un travail est en cours entre l’Etat et l’Assemblée des Départements de France sur la question précise de la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés.

Il est donc temps que nous nous préparions dès maintenant, à la mise en œuvre de procédures normalisées et coordonnées sur l’ensemble du département.

Vœu :

Les conseillers départementaux des Hauts-de-Seine réunis en séance plénière du 29 Juin 2018 demandent solennellement la mise en œuvre d’un travail de rédaction d’une Charte de la prise en charge des mineurs isolés étrangers par l’ASE des Hauts-de-Seine, afin de garantir une cohérence départementale dans l’accueil et l’accompagnement des mineurs isolés étrangers.

Proposition de base de travail pour la rédaction de la Charte susnommée :

Projet de Charte de la prise en charge des mineurs isolés étrangers par l’Aide sociale à l’enfance des Hauts-de-Seine

Objectifs :

  • Permettre aux personnels de l’ASE des Hauts-de-Seine de disposer des moyens pour un accueil décent et une prise en charge efficace des MIE dans le département.
  • Harmoniser les pratiques qui actuellement peuvent être très variables selon les STASE.
  • Respecter mieux qu’aujourd’hui les dispositions prévues par la loi et la jurisprudence pour la prise en charge des mineurs et jeunes majeurs isolés étrangers.

→ Une évaluation harmonisée et conforme à la réglementation

  • Tout entretien d’évaluation doit avoir lieu dans une langue connue et maîtrisée par le mineur.
  • Le mineur doit être informé des objectifs et des enjeux de l’évaluation et des droits dont il dispose tout au long de la procédure.
  • Les personnels chargés de l’évaluation doivent avoir la formation pluridisciplinaire
  • La présomption d’authenticité des documents d’état-civil doit être la règle (article 47 du Code civil). Étant donné que la charge de la preuve en cas de contestation relative à la validité d’un acte d’état civil étranger repose sur l’administration, la remise en cause des actes de naissance ne peut être systématique et doit se fonder sur des éléments objectifs et explicites.
  • L’exigence d’une démarche d’authentification des actes de naissance par les autorités consulaires doit être proscrite puisqu’elle n’est pas accessible à des mineurs sans représentant légal en France.

→ Des besoins fondamentaux qui doivent être mieux pris en compte

  • Accès à la santé : un bilan de santé (somatique et psychique) complet doit être systématiquement réalisé pour tout mineur pris en charge et un suivi doit être mis en place. Dans le cadre des actions de prévention, il convient de ne pas négliger l’éducation sexuelle et les moyens de contraception.
  • Accès à un hébergement décent: afin d’accélérer l’insertion sociale des mineurs, le nombre de places en foyers ou MECS doit être accru afin qu’ils y soient systématiquement placés.
  • Les hôtels dans lesquels sont actuellement placés les mineurs devraient répondre aux exigences légales en matière de salubrité (chambre, literie et mobilier en bon état et propres ; chauffage en état de fonctionnement) et les repas devraient satisfaire aux exigences de qualité nutritionnelle, qui répondent aux besoins de croissance des jeunes.
  • Accès à l’hygiène : tout mineur doit être doté de vêtements décents dès le début de sa prise en charge et doit bénéficier de produits d’hygiène tout au long de sa prise en charge. Il doit également avoir les moyens d’entretenir son linge.

→ Les premières étapes de l’insertion sociale du jeune

  • La couverture maladie: une demande de CMU doit être faite dans les meilleurs délais pour tout mineur pris en charge.
  • La mobilité : le mineur doit bénéficier, dès son placement à l’hôtel, d’un passe Navigo lui permettant de se déplacer sans obstacle (en attendant le bénéfice du tarif Solidarité Transport, il doit bénéficier d’au moins 10 tickets de transport par semaine).
  • L’apprentissage du français: en attendant sa scolarisation, le mineur doit pouvoir bénéficier de cours de français et de cours de remise à niveau (accessibles dans de nombreuses associations).
  • La scolarisation : le mineur doit être accompagné sans tarder pour engager les démarches au CIO en vue de sa scolarisation et une fois qu’il a obtenu une affectation, son inscription et son entrée au collège ou au lycée doivent être effectives sans délai.

→ L’accès à l’autonomie

  • Un an avant la majorité du jeune, un entretien spécifique d’accompagnement vers l’autonomie doit avoir lieu afin de définir les perspectives au-delà de la majorité.
  • La prise en charge d’un jeune majeur ne doit pas être interrompue avant la fin d’une année scolaire et doit lui permettre d’aller jusqu’à l’obtention d’une qualification professionnelle pour lui permettre d’entrer dans les meilleures conditions possibles sur le marché du travail.
  • En cas de perspective de fin de la prise en charge d’un jeune majeur, une orientation vers une structure d’hébergement (CHRS, FJT…) doit être proposée.
  • Dans les mois qui précèdent sa majorité, le jeune doit être accompagné dans ses démarches de régularisation de sa situation administrative, en vue de l’obtention d’un titre de séjour « vie privée et familiale ».