Monsieur le Président, Cher-e-s Collègues,

Nous avons à présent l’habitude des comptes administratifs qui indiquent que le département dégage des montants astronomiques d’excédent, autrement dit, qu’il ne reverse pas aux alto-séquanais ce qu’il devrait, dans le cadre de sa mission essentielle de solidarité.

Mais celui que vous nous présentez cette année dépasse toutes les proportions précédentes.

  • En 2013, 95 millions d’euros.
  • En 2014, 82 millions d’euros.
  • En 2015, 236 millions d’euros.
  • Et en 2016, 536 millions d’euros ! Un demi-milliard d’euros !

Ces excédents ne sont pas dus à une hausse exceptionnelle et inattendue des recettes : les recettes 2016 ont été stables par rapport à 2015, ou plus précisément en très légère hausse de moins de 1%. Ils ne proviennent pas non plus d’une baisse inattendue des dépenses contraintes, puisqu’elles sont « montées en puissance », comme l’indique le rapport. Cela provient bien de millions d’euros de dépenses non exécutés, dont une large part de dépenses de fonctionnement dites « non contraintes », c’est-à-dire hors versement d’allocations légales.

Plus d’un demi-milliard d’euros qui auraient dû revenir aux alto-séquanais : aux enfants en danger, aux familles, aux demandeurs d’emploi allocataires du RSA, aux collégiens, aux personnes âgées dépendantes, aux personnes vulnérables au sens large…

Et qui, au lieu de cela, vont financer des investissements de long terme, qui devraient logiquement et légitimement être financés en parti par de l’emprunt.

Il est absolument impensable qu’un département tel que les Hauts-de-Seine, engagé dans tant de grands projets d’équipement, prive ses populations les plus fragiles de la solidarité la plus élémentaire, pour autofinancer ces équipements, alors que pour certains ils s’apprécieront sur 50 ans !

D’autant que, rappelons-le, la solidarité est le cœur des compétences que le législateur confie aux départements.

Mais avant toute chose, avant de rentrer dans le détail de toutes ces dépenses de solidarité essentielles dont vous privez les alto-séquanais, je souhaite interpeller l’ensemble des Conseillers départementaux.

Mes chers collègues,

Ce compte administratif est tel qu’il doit nous conduire à nous interroger sur la sincérité des documents budgétaires sur lesquels nous sommes amenés à nous prononcer, dans le cadre de notre mandat.

Pour l’année 2016, il nous a été demandé de nous prononcer, entre le budget primitif et les DM, sur un budget global du département des Hauts-de-Seine de 3,508 Milliards d’euros[1], dont 69% des crédits en fonctionnement.

Il nous est à présent indiqué que le département n’a pas consommé 3 milliards 5, mais 2 milliards 6.

L’écart est si important qu’il ne relève pas de simples ajustements budgétaires, ou de quelques projets retardés. Toutes les dépenses de fonctionnement ont donné lieu à une non-consommation, et au global, le taux de réalisation est de 92% seulement, par rapport aux crédits ouverts.

Dès lors, le budget primitif qui nous avait été présenté, et a été approuvé par la majorité d’entre vous, était-il bien sincère ? Disposiez-vous, dispositions-nous, d’informations fiables et réelles quant aux prévisions de dépenses du département ? Le Département avait-il réellement l’intention d’exécuter ces 3 milliards 5 de dépenses ?

Il s’agit là d’une question très sérieuse, le Code général des collectivités et toutes les législations précisent que les recettes et dépenses doivent être évaluées « de façon sincère, sans omission, majoration ni minoration ».

De même, comment pouvons-nous nous prononcer sur des orientations, dont on nous maintient dans l’illusion de leur évolution ? Je ne prends qu’un seul exemple. Entre 2015 et le budget primitif 2016, les dépenses consacrées au maintien à domicile des personnes âgées étaient censées augmenter. Il aurait bien sûr était souhaitable de faire encore plus, mais il fallait déjà, néanmoins, s’en féliciter. Or nous constatons qu’entre le réalisé 2015 et le réalisé 2016, ces dépenses ont en réalité diminué, en raison de crédits non-consommés. Il convenait de se féliciter d’une illusion… qui a eu lieu pour de très nombreuses lignes, particulièrement pour les actions sociales.

Ce compte administratif révèle donc un rognage systématique de toutes les dépenses, notamment de fonctionnement : Actions sociale, aide et accompagnement au retour à l’emploi, éducation, transports, culture, sport, prévention et santé, secteur associatif…

Il ne nous surprend pas, hélas. Parce que ces chiffres qui nous sont aujourd’hui présentés, nous les constatons, dans leur aspect très concret, dans nos territoires.

Ces chiffres, ce sont les EDAS dont les postes ne sont pas remplacés. Ce sont les subventions aux associations qui diminuent. Ce sont les hausses des dossiers FSL refusés. Ce sont les places d’accueil pour la petite enfance ou les personnes âgées, qui manquent cruellement dans certains territoires. Etc, etc…

Vous vous félicitez dans votre rapport de parvenir à « contenir les dépenses de fonctionnement sans compromettre la qualité des services rendus », et c’est faux.  La qualité des services rendus par le département est partout compromise.

On ne maintient pas la qualité des services quand on fait le choix d’annuler :

  • presque 10% des crédits qui devaient revenir à la Prévention médico-sociale,
  • presque 8% à la jeunesse, aux sports et aux loisirs,
  • presque 3% à l’enseignement, soit 2,9 M d’euros,

Au total, plus de 88 millions de crédits annulés en fonctionnement !

Ma collègue Elsa Faucillon y reviendra en détails dans le rapport relatif à l’activité des services du Département en 2016.

Pour ma part, je ne vais en donner qu’un exemple, qui sera d’autant plus de circonstance qu’il s’agit de non-remplacement de personnels du département, qui font particulièrement les frais de votre politique : au chapitre service généraux, ce sont plus de 20% des crédits qui ont été annulés, c’est considérable ! Dès lors, que personne ne s’étonne de leur mouvement de grève actuel ! Un service de 10 personnes ne peut pas fonctionner longtemps avec 8, sans créer de la surcharge, du mal-être et de la souffrance pour ceux qui font les frais de ces baisses de moyens.

Voilà donc un exemple très concret : à Nanterre, notre Espace Insertion n’a plus d’interlocutrice au Département depuis plusieurs mois. Car votre Chef de service territoriale, compétente pour le suivi de ces actions sur Nanterre, est non-remplacée depuis des mois. De semaine en semaine, les actions habituelles de pilotage entre le département et la ville sont annulées. Pas de bilan 2016, pas de COPIL 2017, faute de personnels au département pour les assurer. Ceci alors que la situation de l’Espace Insertion nécessite justement votre interpellation à double-titre :

  • d’une part, parmi les personnels que le département y met à disposition, vous avez retiré un titulaire, laissant le poste vacant, là aussi depuis plusieurs mois. Conséquence, 10% des bénéficiaires du RSA que l’Espace Insertion de Nanterre devrait accompagner sont ainsi sans accompagnement.
  • D’autre part, le sous-effectif important à l’EDAS Nanterre pèse fortement sur l’EI, car les bénéficiaires du RSA « profil social » viennent à l’EI en demandant à être accompagnés, faute de pouvoir l’être à l’EDAS. Et ce sont parfois leurs assistantes sociales qui nous les orientent, elles-mêmes dépassées par la situation très tendue. Disons un mot de l’EDAS Nanterre : 8 postes de travailleurs sociaux vacants + 3 postes administratifs, ce qui a inévitablement des conséquences sur le service rendu au public. Les situations d’urgence sont privilégiées, au détriment du travail d’accompagnement, renvoyé pour partie sur l’Espace Insertion !

Je résume : nous n’avons pas d’interlocuteur au département, car le poste n’est pas remplacé. L’Espace Insertion a des difficultés en interne, car un des postes de référent est laissé vacant. Et ceci dans un contexte de tension, lié à des postes également vacants à l’EDAS, dont HUIT postes de travailleurs sociaux ! Partout ça coince, partout ça craque, et les alto-séquanais en font les frais : confer les 10% des bénéficiaires que doit accompagner l’EI Nanterre, qui sont sans référent, et que nous ne parvenons pas à reverser à d’autres portefeuilles de référents, ces derniers étant déjà surchargés.

Peut-on dire, dès lors, que l’on comprend bien la grève en cours ? Les alto-séquanais sont privés d’actions, et les personnels du département souffrent.

Et pourtant, il s’agit, ici comme pour les autres services, d’accompagnements utiles et indispensables. L’Espace Insertion de Nanterre, au sein d’une Maison de l’Emploi, produit des résultats tout à fait notables, qui démontrent la réelle pertinence de ce service. La Maison de l’Emploi de Nanterre agit en complémentarité et synergie pour fournir de nombreux débouchés aux bénéficiaires du RSA accompagnés, à travers par exemple les débouchés obtenus grâce aux clauses sociales dans les marchés, et les résultats sont là : sur 820 bénéficiaires du RSA « profil intermédiaire » accompagnés en 2016, 345 ont repris le chemin de l’emploi.

Les services sont donc partout affaibli, alors que le département aurait largement les moyens d’assurer un bon niveau de prestations de solidarité aux populations, en assumant toutes ses responsabilités en la matière. Car cet exemple sur l’Espace Insertion de Nanterre me permet de rappeler combien le Département aurait les moyens de financer seul ces services, dont il continue pourtant d’obliger les communes à prendre en charge le 1/3 des dépenses. Et cela sachant que toutes les communes ne sont pas à égalité, puisque plus on a des personnes au RSA, plus on paye : c’est la solidarité à l’envers !

Il faut d’ailleurs dire un mot de la ligne « RSA », qui est particulièrement éclairante. Au total, le département n’a consommé que 94% des crédits ouverts à ce sujet. Et pourtant, les allocations versées aux bénéficiaires du RSA ont augmenté de 3,7% par rapport à l’exercice 2015. C’est dire combien les crédits annulés l’ont été sur les actions d’accompagnement, dites « non contraintes »…

Je l’ai dit : de très nombreux crédits 2016 n’ont pas été consommés sur des actions de solidarités, conduisant leurs montants réellement dépensés à baisser entre 2015 et 2016.

Cela s’inscrit dans un contexte que nous savons… les  536 millions d’euros d’excédent sont-ils la jolie dot pour le mariage avec le département des Yvelines ?

Dans ces conditions, la diminution de l’autorisation d’emprunt réalisée, qui de 292 millions d’euros au BP, passe à 5 millions d’euros, n’est pas acceptable.

Nous condamnons l’ampleur et l’usage que fait de ce mécanisme la majorité départementale qui décide, en conscience et malgré ses moyens, d’être sourde et aveugle aux besoins des habitants, des besoins concrets que nous constatons chaque jour sur nos territoires.

Le discours du Conseil départemental n’est pas sincère et sa politique, qui maintient et renforce les inégalités territoriales, est volontairement excluante.

Notre Groupe continuera de lutter contre cette politique, qui tourne le dos à la solidarité, démantèle ou réduit des services utiles à la population, contrarie le travail de qualité des acteurs de terrain et qui met tout en œuvre pour empêcher un développement solidaire, social, humain, culturel, de notre territoire, alors qu’il en a les moyens.

Nous voterons contre ce rapport.

Je vous remercie.

 [1] 1,091 Milliard en investissement, et 2,416 Milliards en fonctionnement.