Monsieur le Président, Chers Collègues,

 Une fois n’est pas coutume. En l’absence de mon collègue Patrick Jarry, Conseiller départemental de Nanterre, auquel il revient habituellement d’être la voix de notre Groupe dans le Débat d’Orientations Budgétaires, c’est moi qui aujourd’hui me prêterai à cet exercice.

Ça tombe bien. J’adore cet exercice qui permet de comprendre comment des élus qui vote + de 90% des délibérations sont en même temps en totale opposition sur les choix structurants au cœur des orientations budgétaires.

 En préambule, nous constatons que le rapport de la majorité départementale sur ses orientations budgétaires pour l’année à venir est de plus en plus désincarné.

On y retrouve, presque à l’identique, le même plan, les mêmes expressions.

 Ce ne sont pas des orientations. Ce sont des routes toutes tracées, des lignes droites et immuables, que la majorité suit obstinément sans jamais ralentir, sans jeter le moindre coup d’œil au paysage  et à sa diversité, en laissant un grand nombre sur le bas-côté.

La majorité départementale a beau jeu de parler « d’asphyxie budgétaire », quand sa propre famille politique est responsable du transfert aux départements des grandes allocations de solidarité, du gel des dotations de l’Etat, de la suppression de la taxe professionnelle.

Elle a beau jeu d’invoquer, pour justifier ses choix, la « dégradation de la situation financière des collectivités», quand tous les candidats déclarés à la primaire de la droite et du centre font campagne pour des coupes dans les dépenses publiques bien plus sombres encore que celles que nous avons subies ces dernières années.

Il suffisait de regarder le débat d’hier soir pour en mesurer l’ampleur y compris le candidat préféré du Président du Conseil départemental qui annonce une réduction des dépenses publiques de 85 à 100 milliards d’euros.

Si vous voulez faire voter, dans cette assemblée, une motion qui s’adresse à l’ensemble des candidats à la présidentielle, de gauche comme de droite, pour demander le rétablissement des dotations de fonctionnement aux collectivités, nous sommes preneurs.

Car nous, nous sommes cohérents entre ce que nous disons ici et ce que l’on porte au niveau national.

Comme mon collègue Patrick Jarry l’avait déjà dit l’an dernier, ce n’est pas qu’un problème financier mais bien des choix politiques : quels sont les objectifs visés ? L’avènement définitif du monde libéral et du capital privé, l’avènement définitif d’une société inégalitaire.

Car le projet, c’est bien celui-ci :

La disparition des services publics, dont les missions vont être externalisées, privatisées, avec des coûts d’utilisation augmentés, jusqu’à devenir inaccessibles à toute une partie de la population.

La destruction complète de notre modèle social, d’aide et de solidarité envers les plus fragiles.

Le démantèlement de tout le travail mené par les acteurs locaux, en matière d’insertion, de culture, de sport, de loisirs, de santé et de prévention…

Et dans le même temps, le renforcement des 1% qui possède autant que les 99% autres, en favorisant la fiscalité des entreprises, en baissant le taux d’impôts sur les sociétés – dont un rapport parlementaire pointait l’an dernier déjà un manque à gagner de 15 milliards d’euros pour les finances publiques -, en supprimant l’ISF.

Mais entre lamentations insincères sur la situation générale des collectivités et auto-congratulation déplacée sur sa gestion, la majorité départementale croit-elle vraiment réussir à masquer la grande disparité des réalités locales et par là même la position particulièrement favorable des Hauts-de-Seine ?

Il n’y a qu’à voir l’excédent que le Département dégage chaque année, un excédent remarquablement élevé, malgré la suppression de la taxe professionnelle (dont un gouvernement de droite, nous ne le rappellerons jamais assez, est responsable) malgré sa participation au fonds de péréquation, malgré le transfert des allocations de solidarité…

Excédent de 95 M€ au CA de 2013, 82 M€ au CA de 2014 et 236 M€ au CA de 2015. C’est hors normes et au regard des coupes budgétaires drastiques que le Département opère obstinément dans tous les secteurs, c’est même indécent.

Sur la CVAE et la DMTO, des ressources certes volatiles, des ressources certes aléatoires et fluctuantes, nous en convenons – mais à qui la faute ? – la majorité départementale omet cependant de préciser, ainsi que cela apparaît clairement dans le récent rapport de l’Observatoire des collectivités locales, que les Hauts-de-Seine ont particulièrement bénéficié de la forte progression, en 2015 de cette ressource. Le produit moyen par habitant de cette progression, pour l’ensemble des départements, s’établit à 120,4 €.

Et la gestion financière du Département n’est pas saine et rigoureuse, elle est volontairement excluante. Elle défait les services de proximité et de solidarité, elle ne prend pas la mesure des besoins des communes qui accueillent les populations les plus fragiles, elle détricote ce tissu associatif, d’éducation populaire, sportif, culturel, riche et diversifié, qui s’est construit patiemment et passionnément, avec et pour les habitants.

L’érosion des concours de l’Etat, l’objectif national imposé d’évolution de la dépense publique qui fait consensus entre le gouvernement et son opposition de droite, tous ces facteurs que la majorité départementale met en exergue dans ce rapport et qui existent, c’est une réalité ! Sont, quand ils sont appliqués au Département des Hauts-de-Seine, des explications bien commodes pour justifier qu’il applique plus fortement encore ce qui a toujours relever de choix politiques conscients, d’une conception élitiste et inégalitaire du monde et de la société, d’une vision clivante et caricaturale de l’action publique.

Monsieur le Président, je me permets à ce sujet de citer deux de vos déclarations sur la dépense publique.« Dans la dépense, il y a deux types de dépenses, il y a la dépense de fonctionnement, c’est-à-dire le train de vie, et là, il faut être très rigoureux parce que parfois, et même assez souvent, on dépense mal ou inconsidérément. Et puis il y a la dépense d’investissement, celle qui crée de l’emploi et là il faut être vigoureux ».

Donc, les dépenses de solidarité, le soutien à l’autonomie des personnes âgées, le soutien aux personnes en difficultés sociales ou en réinsertion, en baisse de 2 M€, l’insertion et l’emploi, la protection de l’enfance, qui diminue de 2, 5 M€, l’accueil de la petite enfance et la protection maternelle et infantile, ces secteurs qui, malgré les besoins en augmentation constante, dont le budget s’élevait, en 2015, à 45 M€ et ne s’élèvera plus, en 2017, qu’à 34 M€, sont réduits à une question de « train de vie » ? (CF interview RTL 28 juillet 2010).

Vous avez également déclaré cela : « Comme pour le cholestérol, il y a une bonne et une mauvaise dépense publique ». (CF Bloc-notes de l’opinion, « Comment réduire la Dépense Publique, 22 septembre 2016).

C’est simple, c’est efficace et à n’en pas douter, les habitants, les associations, les partenaires et les acteurs locaux, qui travaillent ardemment, au quotidien, pour améliorer la vie de leurs concitoyens, pour favoriser la cohésion sociale, pour répondre à des besoins essentiels d’éducation, d’accompagnement social, d’aide à l’insertion et à l’emploi, de logement, de culture, de sport, de loisirs, de transport et de mobilité et dont le Département réduit sans cesse les moyens d’action, apprécieront la comparaison.Un mot sur l’investissement.

Encore une fois, ce n’est pas le principe de l’autofinancement des investissements et d’une attention à l’encours de la dette que nous dénonçons – ils sont évidemment nécessaires.

Ce que nous dénonçons, c’est ce mécanisme systématique, activé année après année, qui consiste à couvrir le budget d’investissement par une compression toujours plus forte du budget de fonctionnement et un recours extrêmement limité à l’emprunt.

Cela confine même à l’insincérité budgétaire quand l’emprunt annoncé au BP, déjà faible donc, est finalement encore réduit considérablement en décision modificative, au détriment de dépenses de fonctionnement qui s’amenuisent toujours plus. (BP 2016 262 Md’€ – DM 2016 42,5 Md’€ – divisé par 6).

Dans ce cadre, nous proposons que la performance énergétique fasse l’objet de la plus grande attention et d’un volontarisme réel de la majorité, pour l’ensemble des bâtiments départementaux, mais aussi pour les logements d’Hauts-de-Seine Habitat, dans les travaux desquels ceux qui favorisent les économies d’énergie tiennent encore une place trop marginale.

Par ailleurs, le Département n’a toujours pas apporté d’éléments quant à son engagement sur le prochain programme ANRU, qui concernent des projets majeurs dans plusieurs quartiers en difficulté des Hauts-de-Seine. Une question en ce sens vous avait déjà été posée l’an dernier par Madame Marie-Hélène Amiable, qui rappelait combien ces projets, tant sur le plan urbain que social, étaient nécessaires et dans ce cadre, la participation du Département, attendue.

Et qu’en sera-t-il de l’accessibilité de ces quartiers qui vont changer et se renouveler à leurs actuels habitants les plus modestes ?

Car nous le rappelons : le Conseil départemental a décidé la suppression des aides à la construction de logements dits très sociaux dans les villes populaires ayant atteint 35 % de logements sociaux pour ne plus financer que des PLS, au prétexte de la mixité sociale…

Mais la mixité sociale a bon dos quand il s’agit de jouer avec les règles, pour ne pas construire de logements sociaux et ainsi ne pas répondre aux besoins de milliers d’habitants modestes, familles, jeunes travailleurs, étudiants…

Il y en a des projets utiles et structurants, des projets qui amélioreraient dès aujourd’hui les conditions de vie des habitants, de tous les habitants, dans le cadre d’un développement durable du territoire et qu’un emprunt raisonnable, pertinent et ciblé, permettrait de financer, sans impacter les services rendus à la population et les dispositifs utiles et de proximité qu’au prétexte d’économies, le Département étouffe et fait disparaître.

L’ambition et la vigueur du Département en matière d’investissement sont décidément à géométrie variable. Pour le renouveau de la Défense, dont les besoins, dit-il, sont d’ores et déjà évalués à 50 M€ par an, les moyens sont là, mais pour le reste, c’est la rigueur qui s’applique…Mais personne n’est dupe.

Quand on refuse ainsi systématiquement le recours à l’emprunt alors qu’on a pourtant amplement les moyens de l’assumer, non, ce n’est pas de la prudence, ce n’est pas de la gestion. C’est de l’idéologie, c’est une vision du monde et de la société, à laquelle nous nous opposons fermement.

Notre Groupe continuera à se battre pour empêcher la majorité départementale de réaliser son projet de fermer aux habitants les plus modestes les Hauts-de-Seine, pour en faire un espace uniforme et monochrome, un entre-soi politique, économique, social et culturel.

Notre Groupe continuera à défendre une politique solidaire, qui favorise la croissance et le développement réel, social, humain, culturel, de notre territoire. Je vous remercie. Le Conseil départemental a le devoir et les moyens de se montrer exemplaire en la matière s’il ne considère pas les questions écologiques et environnementale comme purement décoratives.