Lors de la séance publique du 17 juin 2016, la majorité a voté un rapport qui prévoit des amendes administratives pour les personnes ayant commis des fraudes au RSA. Jusqu’alors, ces fraudes faisaient l’objet d’un recours en justice. Estimant que la justice n’allait pas assez vite et ne condamnait pas suffisamment les accusés, Patrick Devedjian préfère s’en affranchir et recourir à des amendes infligées directement par une commission mixte, indépendamment du pouvoir judiciaire.
Une drôle de façon de respecter la séparation des pouvoirs…
Retrouvez ci-dessous l’intervention orale d’Elsa Faucillon.
Monsieur le Président, cher(e)s collègues,
Ce rapport propose la mise en place d’amendes à l’encontre des fraudes au RSA. Evidement chaque fraude, quel qu’elles soient doit être sanctionnée. Les allocations sont des droits ouverts en fonction d’une situation sociale définie. Et cela doit être respecté. C’est une garantie d’égalité et d’équité de traitement des usagers devant le service public.
Il existe donc des possibilités pour la société en cas de découverte de fraudes de réparer et récupérer les trop perçus. Pour le RSA, vous le savez, la mise en recouvrement des indus se fait directement par la CAF ou le Département. S’ajoute à ce « redressement » pour emprunter le vocabulaire fiscal, la faculté pour le Conseil départemental de saisir la justice pour demander la condamnation du fraudeur à des dommages et intérêts.
Ainsi les fraudes ne restent ainsi jamais impunies. La procédure est bien cadrée. Elle offre des garanties d’impartialité de par sa gestion judiciaire. Où allons-nous si chaque fois que l’on trouve la Justice un peu lente, nous mettons en œuvre des solutions parallèles ? Réfléchissons ensemble aux conséquences d’un tel glissement ? Ce principe est dangereux pour l’égalité. C’est une brèche dans la séparation des pouvoirs, comme garantie d’équité pour éviter que l’Administration soit à la fois juge et partie. Pourquoi ne pas choisir d’exiger plus de moyens pour que les tribunaux puissent faire leur travail, pour que les décisions de justice soient prises dans des délais raisonnables ?
Mettre en place des amendes pour lutter contre la fraude, est pour le Conseil départemental, un choix idéologique, une délibération politique dont l’objectif est d’alimenter les stigmatisations. Sous couvert de lutte contre les fraudes, la mesure stigmatise encore un peu plus les plus démunis et les plus faibles comme autant de fraudeurs potentiels, tout en renforçant les instruments d’un contrôle social sans grand rapport avec l’idée de justice sociale, de justice tout court.
Le public qui s’adresse à vos services, est pour sa grande majorité composé de personnes vulnérables, fragiles, brisées par des accidents de la vie.
Vos services s’adressent principalement à des personnes précaires et exclues de la société. Ce qui est simple pour nous est compliqué pour eux. C’est un climat de confiance qu’il faut instaurer, pas un climat de répression !
Quel dispositif similaire mettez-vous en place pour le suivi des aides aux entreprises ?
J’ai pu voir le nouveau livret d’information destinés aux bénéficiaires. Oui l’urgence est bien de concentrer toutes les énergies pour faciliter l’accès aux droits de nos concitoyens. Il est urgent de s’attaquer au phénomène du non recours aux droits sociaux. En France près de 5Md€ n’ont pas été redistribués aux ménages les plus fragiles. Comment s’attaque-t-on concrètement à cela ? Il serait indispensable d’investir dans une campagne pour faire reconnaître que ces prestations sont des droits auxquels il est légitime de prétendre sans se faire traiter d’assisté, de profiteur, ou de fainéant.
« Combattre les idées reçues, c’est restaurer la dignité de celles et ceux qui subissent d’abord une injustice » ATD Quart Monde.
Oui les conséquences de cette crise sont malheureusement bien présentes et visibles dans notre département et l’on peut être inquiet pour l’avenir, le gouvernement persévérant dans ses choix libéraux alors qu’il n’enregistre que des échecs.
Pour sanctionner les fraudeurs au RSA vous n’hésitez pas à mettre en œuvre un dispositif qui va concerner 100 personnes par an. Permettez-moi de rappeler que plus de 40 000 foyers sont allocataires du RSA chaque année dans notre Département. Le ratio est faible.
Au niveau national, en 2014, près de 21.000 cas de fraudes aux prestations familiales ont été détectées et sanctionnées. Cela représente un montant de 141 millions d’euros dont 127 millions sont récupérés par la CAF sur les plus de 64 milliards de prestations légales directes. Il est donc à noter que notre dispositif de lutte contre la fraude sociale est assez performant.
C’est loin d’être vrai dans le cas de la fraude fiscale. Entre 60 et 80 milliards d’euros : c’est le montant de cette fraude pour l’État et les collectivités locales en 2012, soit entre 15% et 25% des recettes fiscales brutes, selon un rapport du syndicat national Solidaires Finances Publiques, publié en janvier 2013. Au niveau européen, la fraude et l’évasion fiscales représentent une perte de recettes de 1 000 milliards d’euros chaque année. De quoi mettre en place de belles politiques éducatives, sociales et environnementales pour les enfants, femmes et hommes de notre pays.
Vous l’aurez compris nous voterons contre ce rapport.
Je vous remercie.