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Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs les conseillers départementaux

L’autonomie financière des collectivités territoriales est un sujet que notre groupe tient à cœur. J’y reviens car la remise en cause de l’autonomie financière des collectivités territoriales par tous les gouvernements successifs depuis le début de ce siècle, et qui impacte particulièrement les départements, est maintenant éludée. Dans ce débat, personne ne veut parler de la question du lien entre les collectivités territoriales et les entreprises qui est pourtant fondamentale.

On veut bien évoquer la suppression de la taxe d’habitation mais le plus grand scandale à travers les réformes successives de la taxe professionnelle, puis de la CVAE qui vient d’être supprimée, c’est que plus aucun des territoires n’a de lien avec les entreprises qui y sont implantées. Or, il faut le dire : il est indispensable que les entreprises partagent la Valeur Ajoutée avec les collectivités dans lesquelles elles se trouvent.

Le retour à l’autonomie de nos collectivités ne sera donc effectif qu’à la condition que les entreprises participent au panier fiscal pour que ces mêmes collectivités perçoivent l’impôt dont elles auront déterminé le taux de prélèvement ; il s’agit là d’un choix politique.

Je note d’ailleurs que, parmi les villes où la taxe professionnelle était la plus élevée du Département, à savoir Levallois-Perret et Nanterre, cela n’a pas empêché les entreprises de s’y implanter et ce, malgré ce que certains ont pu dire.

Le constat qui est le nôtre aujourd’hui est assez simple puisqu’il apparaît qu’il n’y ait rien de très nouveau dans votre budget par rapport au débat sur les orientations budgétaires.

Enfin presque, puisque le Gouvernement vient d’annoncer une séquence d’austérité, applicable dès l’année en cours et les suivantes. Il a également été clairement annoncé que les collectivités locales seraient concernées par l’effort. On peut donc légitimement craindre que le budget dont nous débattons aujourd’hui soit à revoir de manière significative.

Bien sûr, dans les Hauts-de-Seine il faut tenir compte de l’excédent qui a certes notoirement diminué. Il faut pour une part s’en féliciter mais il reste quand même 116 millions sur l’exercice 2023, ce qui correspond à peu près au budget de fonctionnement des transports du Département. Je dis qu’il faut s’en féliciter car il ne diminue pas du seul fait de la baisse des DMTO, il correspond aussi à un retour à une gestion plus normale que nous avons réclamée avec véhémence et insistance depuis presque 10 ans. Les dépenses en matière d’action sociale qui avaient été laminées et leur personnel avec, retrouvent des volumes plus conformes à la responsabilité d’un Département. Ceci étant dit, dans ce domaine, il y a encore beaucoup de progrès à faire si j’en juge par le SST6 de Nanterre/Rueil-Malmaison dont il est urgent que le déménagement dans des nouveaux locaux se réalise.

Vous parlez abondamment de la crise immobilière qui atteint fortement le département des Hauts-de-Seine car cela implique une baisse des recettes du fait de la baisse des DMTO. Cette baisse constitue un record de France car elle place les Hauts-de-Seine en tête de l’ensemble des départements qui la subissent.

A vous lire, on constate deux choses : la crise immobilière n’a que deux causes extérieures : les taux d’intérêt et l’augmentation des coûts de construction. Or, au-delà du post-Covid et de la guerre en Ukraine, pas un mot n’est émis sur la crise foncière et immobilière. C’est pratique ! Car ainsi, vous n’auriez aucune responsabilité dans l’affaire. Et c’est réconfortant pour vous car, si à l’évidence, on sort toujours des crises plus ou moins vite, ça laisse croire qu’après, tout va recommencer comme avant. Et bien il y a de sérieux indices pour penser que non.

Ca vaut le coup d’en débattre car la manne financière incroyable dont le département du 92 et dont quelques autres ont pu bénéficier pendant une décennie peut durablement être moindre, et pas qu’un peu.

Parmi les raisons de la crise, la spéculation immobilière et financière n’y est pas pour rien. Alors oui, les prix de l’immobilier se sont envolés et nombre de villes des Hauts-de-Seine ainsi que votre majorité départementale y ont contribuées. Vous vous en êtes même félicités et vous avez refusé de participer à toute initiative pour la contenir. Normal, pour vous, c’est la loi du marché ! Et le logement est une marchandise comme les autres…

Quand on s’en réfère aux chiffres de l’INSEE repris par la chambre régionale des comptes dans son rapport de mars 2024 « La politique d’aménagement sur le territoire du Grand Paris », l’immobilier a connu 250% – oui oui, vous avez bien entendu – 250% d’augmentation de ses prix entre 1993 et 2016. Soit une augmentation annuelle de plus de 10% qui, vous en conviendrez, est bien loin de l’évolution du revenu des ménages ! C’est un fait incontestable : il y a là une déconnexion complète entre ce qui est rendu possible pour les ménages face à la spéculation galopante que nous dénonçons sans cesse.

C’est d’ailleurs ce que j’avais rappelé au Président Macron à l’occasion du grand débat national en lui indiquant que le sujet essentiel pour les années à venir serait celui de la crise du logement ; la situation n’étant manifestement plus tenable.

A cela, il faut ajouter la fin du tout bureau en partant du constat qu’en Ile-de-France, 56 millions de mètres carré sont disponibles. On peut considérer que la reconversion forcée d’une part de ces bureaux en logements et autres représente aujourd’hui un impératif. En témoignent notamment les chiffres qui viennent d’être publiés par l’APUR qui estime que, entre 2009 et 2020, les emplois de bureaux ont augmenté de 7,6% au sein de la Métropole alors que, dans le même temps, l’ensemble des surfaces dédiées augmentaient de 10,6%.

Le 92 a vécu sur la spéculation immobilière et la tertiarisation à outrance, mais aujourd’hui, il va falloir changer de modèle et vous ne semblez pas le voir. Vous êtes pris de court !

La politique menée par toutes les collectivités que la droite dirige en Ile-de-France n’a pas seulement contribué à la spéculation immobilière et donc à la crise du logement, elle a aussi creusé les inégalités sociales et territoriales.

Si je m’en réfère aux taux de pauvreté, les Hauts-de-Seine enregistraient 11,9% de familles situées sous le seuil en 2019, quand la Seine-Saint-Denis en comptait 27,9% et que le taux, à l’échelle de l’Ile-de-France, était de 15,5%. Force est de constater, et nous le déplorons fortement, que les disparités sont, plus que jamais, à l’ordre du jour !

Même constat entre les villes de notre Département : à Bagneux, 20% des foyers sont dans cette situation, quand ils sont 22% à Nanterre, 26% à Villeneuve-la-Garenne et 28% à Gennevilliers. Si je compare avec les 6% du Plessis-Robinson ou les 9% de Levallois-Perret, qui furent des villes à forte population ouvrière d’où les ménages modestes et pauvres ont été indument chassés, les chiffres parlent d’eux-mêmes pour témoigner des disparités territoriales que nous dénonçons sans relâche, année après année, et ce au prix d’une politique volontariste !

Quand les indicateurs font la démonstration des inégalités territoriales, cette situation touche toutes les structures de la société. Et cet effort de non mixité – oui, je l’appelle ainsi, car il s’agit à l’évidence d’une démarche délibérée – rejaillit sur des secteurs qui constituent le socle de notre pacte républicain tels que les écoles et les collèges notamment. Les conséquences en matière d’inégalité sont très graves, ainsi qu’en témoigne la parution récente de l’ouvrage édifiant de madame Najat Vallaud-Belkacem et de monsieur François Dubet « Le ghetto scolaire ; pour en finir avec le séparatisme » paru au Seuil, et que j’invite chacune et chacun à consulter.

Car il nous enseigne que la propension au séparatisme territorial de la société française n’est non seulement pas anecdotique, mais force est de constater qu’elle en est une des principales constantes qui s’est incrustée dans tous les secteurs de la vie quotidienne, au premier rang desquels se trouve l’école de la République qui semble avoir remisé une bonne fois pour toutes l’idée de l’égalité des chances, pourtant fondamentale de notre pacte républicain.

Or, le phénomène d’évitement scolaire devient une tendance lourde qui aggrave la situation au sein des collèges, et dans ce cadre, la question du public et du privé n’est plus celle d’il y a 30 ans. Nous le savons tous. Et sans doute, le département des Hauts-de-Seine représente-t-il un territoire d’exacerbation de cette situation. Or, pour une part, la République repose sur l’école au sens large.

Pourquoi ne pas en débattre ici ? Pourquoi ne pas produire nos propres études ? Monsieur le Président, quelles solutions le Conseil départemental propose-t-il pour atténuer cette ségrégation sociale et scolaire ? Est-ce comme pour l’immobilier ? Laissons faire le marché !

Car nous, nous croyons que des mesures existent face à ce phénomène qui n’est pas de l’ordre de la fatalité mais bien le fruit d’une volonté politique exprimée et assumée. J’en veux pour preuve les mouvements de sectorisation auxquels ont procédé la Ville de Paris au sein de ses collèges mis en œuvre ces dernières années, et visant à renforcer la mixité au sein des établissements.

Car je le dis et je le répète : il s’agit-là d’une urgence à prendre en considération et dont les chiffres témoignent de manière significative à l’échelle de ce département, qui est bien une terre d’exclusion et de ségrégation !

Pour terminer, je voudrais souligner que si votre rapport budgétaire est très détaillé, il est peu bavard – voire, il fait l’impasse – sur les budgets qui continuent de baisser de manière significative. Par exemple, la petite enfance continue de diminuer de l’ordre de 11%, et pas seulement en raison de l’évolution des naissances.

Et c’est le même constat sur les dépenses sociales. Vous nous dites que, globalement, elles passent de 969 millions d’€ à 976, soit une augmentation d’environ 7 millions d’€. Or, le total des dépenses sociales contraintes, à savoir celles liées aux allocations APA, RSA et PCH, passent de 327,2 à 343 millions, soit plus de 16 millions d’€. Par conséquent, certaines dépenses sociales non contraintes baissent. Lesquelles et pourquoi ?

Compte-tenu du resserrement des recettes, probablement durables, les priorités devront être plus claires. Pour nous, je le répète, elles doivent relever du social, des collèges et de la transition écologique.

Par ailleurs et sachez-le : vos décisions en matière de locaux départementaux seront examinées à la loupe. Si nous avons, semble-t-il, évité de justesse la grande migration du siège vers la Défense, assortie de coûts faramineux à assumer, on n’a pas évité l’acquisition de l’immeuble So Work, devenu Arc, pour 104 millions d’€ payés cash. Il faut aussi dire que les propriétés immobilières que le Département a abandonnées ne pourront retrouver un usage utile dans le cadre du nouvel environnement immobilier, qu’en acceptant une déprise de ces actifs au regard de ceux qui avaient, un moment, été imaginés et même annoncés.

De même, nous nous interrogeons toujours sur la nécessité d’un musée du Grand Siècle à Saint-Cloud, alors même que la ville d’accueil n’en voulait pas, à proximité du musée Albert Kahn à Boulogne-Billancourt, pour un montant de l’ordre de 120 millions et ce, bien que nous soyons toujours favorables à la culture. Et dans ce cadre, on se garde bien de nous parler des dépenses de fonctionnement de demain.

Alors certes, il est difficile de prévoir une sortie de crise. Mais quand les finances d’une collectivité territoriale sont aussi assujetties au modèle qui est celui-là, avec les conséquences d’exclusion sociale que l’on connaît, il y a urgence à se réinterroger pour se réinventer !

C’est pourquoi le groupe Gauche Citoyenne, Communiste et Républicaine considère qu’il y a urgence à ouvrir le débat et prendre des mesures nouvelles, innovantes et audacieuses, pour tenter d’enrayer cet inexorable mouvement qui nous conduit dans le mur.

Monsieur le Président, mesdames et messieurs, je vous remercie.