Article de Anne-Sophie Damecour, 5 avril 2024 : https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/hauts-de-seine-le-tas-dor-du-departement-reduit-a-116-millions-deuros-en-2023-05-04-2024-3UUZ2RUB5BFTFNILHDZRIXL7SA.php

Touché de plein fouet par la crise immobilière et la chute de 30 % des droits de mutation, le département des Hauts-de-Seine a vu son excédent budgétaire se réduire comme peau de chagrin. Soit « seulement » 116 millions d’euros en 2023, bien loin des 664 millions records atteints en 2019. Le département le plus riche de France se résout à l’emprunt pour continuer d’investir.

La « cagnotte » du département des Hauts-de-Seine, à savoir l’excédent budgétaire de la collectivité, suscite année après année de longs échanges à l’occasion du vote du compte administratif de l’exercice précédent. Cette enveloppe avait atteint un niveau record en 2019 avec 664 millions d’euros. Mais elle s’est réduite depuis comme peau de chagrin : elle a été divisée par six en cinq ans, pour s’établir à 116 millions d’euros en 2023, montant dévoilé ce vendredi matin en séance publique.

Une baisse énorme qui résulte en grande partie de la crise immobilière et de son corollaire : la chute dans les Hauts-de-Seine de 30 % des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), cette taxe sur toutes les transactions immobilières que perçoit le département. Lesquels sont passés de 717 millions d’euros en 2022 à 505 millions d’euros en 2023.

« C’est justement parce que ce prétendu tas d’or a été géré avec respect ces dernières années que le département des Hauts-de-Seine peut maintenir ses investissements et ses services à la population », insiste Pierre-Christophe Baguet, vice-président du département en charge des finances et du budget, alors que bon nombre de départements franciliens sont contraints de réaliser des économies à tous les étages.

Perte d’autonomie financière

Pour l’opposition départementale, qui partage les mêmes critiques que la majorité au sujet de la perte d’autonomie financière de la collectivité, l’analyse de la situation n’est pas aussi pessimiste. « Beaucoup de départements nous envient encore et cette situation conjoncturelle sera vite épongée dès la reprise du marché immobilier », prédit le conseiller départemental Joaquim Timoteo (PS) estimant « qu’il n’est pas besoin de paniquer ».

« Quand on a connu l’opulence, il est difficile de revenir à une situation normale », ajoute-t-il. « Cet excédent était une anomalie », embraye le conseiller départemental Najib Benarafa (EELV) qui invite la collectivité à trouver de nouvelles sources de financement innovantes pour « ne pas céder à la faciliter de l’emprunt ». Ses pistes : la production d’énergies renouvelables qui pourraient constituer une source de revenus ou « un financement participatif grâce auquel les entreprises polluantes du territoire compenseraient leur dette carbone ».

En attendant, c’est bien le recours à l’emprunt qui a été acté, constituant une nouveauté pour la collectivité qui n’avait pas sollicité les banques depuis près d’une décennie. Avec un montant de 433 millions d’euros inscrit au budget 2024. De quoi maintenir un niveau d’investissements très élevé et même supérieur aux années précédentes puisque le département prévoit 644 millions de dépenses en 2024, contre 546 millions en 2023.

« La fin d’un cycle »

« C’est grâce à notre bonne gestion ces dernières années, que certains ici qualifiaient de coffre-fort et fantasmaient notre magot caché, que nous sommes aujourd’hui en capacité d’emprunter pour maintenir le cap de nos ambitions et présenter un budget de combat », avance Georges Siffredi, le président (LR) de la collectivité.

Et le patron des Hauts-de-Seine de donner quelques exemples d’investissements comme les 50 millions d’euros pour la création de nouveaux espaces naturels dans le cadre de l’Agenda 2030. Ou encore les 108,7 millions d’euros pour les collèges avec trois nouveaux établissements qui vont être construits à Châtenay-Malabry, au Plessis-Robinson et à Bagneux. Et, les 70 millions pour les transports collectifs, notamment pour l’achèvement du chantier EOLE et les études pour le prolongement des tramways T10 et T1.

Une feuille de route qui est loin de recevoir l’approbation de l’opposition qui n’a pas voté le budget. Avec de vives critiques émanant du conseiller départemental et ancien maire de Nanterre, Patrick Jarry (DVG), qui estime que la majorité refuse d’assumer ses responsabilités dans cette crise immobilière qui ampute ses finances.

« Le 92 a vécu sur la spéculation immobilière et la tertiarisation à outrance auxquelles vous avez largement contribué », estime-t-il, avec pour conséquence, selon lui, d’avoir fait du département « une terre d’exclusion et de ségrégation », avec décalage entre le prix de l’immobilier et les revenus des habitants. « C’est aujourd’hui la fin du tout-bureau et cette situation n’est pas conjoncturelle. Il s’agit bien de la fin d’un cycle et il va falloir changer de modèle », invite Patrick Jarry.