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Monsieur le président,
Chers collègues,
Permettez-moi de débuter mon intervention sur ce compte administratif 2022 par sa conclusion, à savoir, l’excédent du département. Celui-ci a été de 394 millions d’euros en 2022. M. le président, qui sait ma sensibilité à ces excédents que je juge excessifs, ne manque pas de faire remarquer qu’il diminue par rapport à 2021, où il atteignait 540 millions, et ce malgré le Covid.
Pour ma part, en tant que maire qui, comme l’ensemble de mes collègues ici présents, peine à équilibrer le budget de sa commune tout en répondant aux attentes de ses concitoyens, un tel excédent, même en baisse, fait rêver.
Quoi qu’il en soit, que le verre soit jugé à moitié vide ou à moitié plein, je me mets à la place de nos concitoyens qui ont soif, pour considérer qu’il n’est pas normal de garder par devers soi de quoi étancher cette soif.
C’est donc en gardant ce critère à l’esprit que j’évaluerai la pertinence de ce compte administratif. Et notamment : est-ce que les dépenses prévues au budget primitif, et éventuellement corrigées par des décisions modificatives ultérieures, ont été effectivement engagées ? Et dans le cas contraire, je demanderai pourquoi elles ne l’ont pas été, alors que le Département en a les moyens, et largement.
Car des crédits qui n’ont pas été consommés à la hauteur de ce qui était prévu, il y en a plusieurs, et certaines sous-consommations peuvent susciter des surprises eu égard aux besoins constatées. Je m’en tiendrai aux actions sociales, qui constituent la prérogative principale du département, sa raison d’être en quelque sorte, et aux baisses les plus significatives, celles qui dépassent assez significativement la grosseur du trait.
Ainsi, les subventions aux espaces insertion sont inférieures de 21% aux prévisions initiales, ce qui m’amène tout naturellement à m’interroger encore une fois, en tant de président de la Maison de l’emploi de Nanterre, sur les raisons qui poussent le Conseil départemental à demander aux municipalités de participer à hauteur de 20% à ce qui est, avant tout, une compétence du département.
Les crédits consacrés aux dispositifs d’aide aux ménages en difficultés sont en baisse de 22%, et même de 56% pour les actions en faveur de la solidarité ! Pourtant, des ménages qui perdent pied, notamment du fait de l’inflation des produits alimentaires, nous en rencontrons quotidiennement.
Plus surprenant encore, dans certains cas, des décisions modificatives ultérieures sont venus non pas corriger une perspective de sous-utilisation des crédits prévus au budget primitif, mais au contraire l’accentuer.
Ainsi, le budget primitif avait prévu des crédits à hauteur de 187,6 M d’€ en faveur des personnes handicapés, portés à 191,6 M d’€ en DM2, pour finalement atteindre 186,3 M d’€ dans ce compte administratif.
Un cas isolé ? Symptomatique plutôt, puisque globalement, les dépenses d’action sociale sont en baisse de 4% par rapport au BP, et de 5% par rapport à la seconde décision modificative.
Cette décision modificative a été adoptée en octobre. Il faut croire qu’à cette date-là, on avait donc une vision moins claire que plusieurs mois avant, au moment de l’adoption du budget primitif 2022, des dépenses de fonctionnement du Département.
C’est un peu surprenant, mais moins préoccupant au demeurant que le fait de ne pas parvenir à consommer l’intégralité des crédits consacrés à l’action sociale.
Une autre grille d’analyse d’un compte administratif consiste à le comparer à ceux des années précédentes, ce qui permet de faire ressortir des tendances plus durables que les variations – que l’on peut supposer conjoncturelles – par rapport au budget primitif.
Le compte administratif 2022 du Département est, indique le rapport, peu impacté par la crise du COVID, à la différence des CA 2020 et 2021. Je m’attacherai donc à le comparer, plutôt, avec le compte administratif 2019, dernière année avant le Covid.
Mais pour avoir une photographie plus juste des évolutions en cette période de forte inflation, il convient de raisonner en euros constants et de revaloriser les montants 2019 de l’inflation. L’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est celui habituellement utilisé dans les documents budgétaires. Selon Eurostat, il est, pour la France, de 11,7% entre janvier 2019 et décembre 2022.
Certains crédits connaissent des augmentations conséquentes.
Il en est ainsi de ceux consacrés à la promotion mère-enfants, qui baissent par rapport au BP, mais augmentent de plus de 21% par rapport au compte administratif 2019, sur des montants il est vrai assez faibles.
Sur des montants autrement plus conséquents, la hausse la plus significative concerne l’aide sociale à l’enfance. Nous n’avons pas ménagé nos critiques concernant les insuffisances du Département en la matière, des critiques d’ailleurs reprises par un rapport de l’IGAS. Il faut croire qu’elles ont été entendues, puisque les crédits dédiés à l’aide sociale à l’enfance ont augmenté de plus d’un tiers depuis 2019. Nous nous félicitons de cette hausse conséquente que nous dédions à notre ancienne collègue Elsa faucillon, dont on se souvient des interventions vigoureuses à ce sujet au sein de cette assemblée, et qui aujourd’hui doit avoir le sourire.
Mais globalement, en euros constants, les dépenses de fonctionnement du Département sont plutôt orientées à la baisse, de 3,35% par rapport à 2019. La baisse des dépenses sociales est un peu moindre (-2,15%), avec cependant, concernant certains crédits, des tendances confirmées sur un plus long terme, nonobstant d’éventuels changements de périmètre que je ne prétends pas tous maîtriser :
- -11,7% pour les crédits consacrés à l’hébergement des personnes handicapées par rapport à 2019, une tendance confirmée depuis 2015 (-12% en appliquant un indice des prix à la consommation de 15,9% entre 2015 et 2022,selon Eurostat)
- -18% pour les actions de prévention envers les jeunes, -22% depuis 2015
- -22% pour la petite enfance (-73% depuis 2015)
- -25% pour l’hébergement des personnes âgées (-54% depuis 2015)
- -56% pour les subventions aux espaces insertion (-67% depuis 2015)
Et jusqu’à – 87 % pour les actions en faveur de l’insertion et de la solidarité, les données antérieures à 2019 n’étant pas disponibles.
Pouvez-vous nous apporter des explications sur ces baisses, qui apparaissent comme des tendances de fond ?
Je suis également étonné de la baisse des charges de personnels (-13,5% depuis 2019), malgré les mesures Segur et une revalorisation du point d’indice de 3,5% en juillet dernier.
Concernant les dépenses d’investissement, je me réjouis de constater que près de 6 M€ ont été consacrés en 2022 à la réalisation de pistes cyclables dans le cadre du plan vélo Hauts-de-Seine, qui prévoit la création de 180 km de voies cyclables supplémentaires d’ici 2028, pour une enveloppe totale de 150 M€. Je me réjouis d’autant plus de cette conversion qu’elle tranche avec les discours que l’on avait l’habitude d’entendre dans cette assemblée, où l’automobile était érigée en symbole de liberté.
Pour conclure, en jugeant l’action du Département autant pour ce qu’elle est que pour ce qu’elle pourrait être eu égard aux moyens dont il dispose, je dirai que ce compte administratif témoigne d’une prise en compte des critiques fortes portées ici même au sein de cette assemblée aussi bien que par de nombreux acteurs associatifs ou administratifs comme l’IGAS. Mais il témoigne aussi de la persistance de vos difficultés à utiliser les moyens qui sont mis à votre disposition et prévus dans le budget pour remplir les prérogatives qui sont les vôtres.
C’est pourquoi nous voterons contre ce compte administratif 2022.