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Mon intervention portera sur le débat d’orientation budgétaire et également sur le rapport suivant concernant la dette du département.

Dans un contexte marqué par une grande confusion idéologique, je voudrais profiter de ce débat pour revenir sur ce que sont les valeurs de droite et ce que sont les valeurs de gauche. Je suis en effet surpris par la persistance des élus Les Républicains, notamment dans cette assemblée, à refuser de reconnaitre que le Président de la République mène une politique de droite dans laquelle ils devraient se retrouver.

Prenons la fiscalité sur les entreprises. Ce rapport déplore – à juste raison – la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, proposée par le gouvernement dans le cadre de la loi de finance pour 2023 et approuvée par le Parlement à l’automne dernier. « A juste raison », car il s’agissait du dernier impôt qui liait les entreprises avec les territoires dans lesquelles elles sont implantées.

A l’Assemblée nationale, cette suppression a pourtant bénéficié du soutien inconditionnel, voire enthousiaste, des députés Les Républicains. Au Sénat, Mme Christine Lavarde, s’exprimant au nom du groupe LR, indiquait, je cite : « Sur ce point, nous sommes donc d’accord avec le Gouvernement », regrettant, non pas le fond de cette réforme, mais son caractère « trop rapide » et pas suffisamment concerté.

M. Philippe Dominati, sénateur LR de Paris, a pour sa part tenu à « féliciter le Gouvernement, je cite, d’avoir tenu un engagement à l’égard du monde économique et des entreprises en baissant les impôts de production ».

Le rapport que nous examinons regrette, je cite, la « dévitalisation démocratique » qu’entraine cette suppression, mais pourtant, ce sont bien vos amis de l’Assemblée nationale et du Sénat qui ont permis son adoption. Et pour cause : elle s’inscrit tout à fait dans l’ADN idéologique de la droite, pour laquelle les entreprises paient toujours trop d’impôt.

La suppression de la CVAE rejoint ainsi les innombrables aides aux entreprises (niches fiscales, niches sociales, subventions), sur lesquelles se sont penchés les chercheurs de l’IRES, l’Institut de recherches économiques et sociales. En 2019, c’est-à-dire avant la crise sanitaire et le « quoi qu’il en coute », ces aides, définies comme des transferts de richesse vers les entreprises sans contrepartie, se montaient à 205 milliards d’euros par an, soit près de 8,5% du PIB, contre à peine 2,6% en 1979. 

Cette politique d’assistanat aux entreprise, c’est bien la droite qui la porte depuis 20 ans, avec certes le soutien des socialistes qui lui ont donné une nouvelle impulsion lorsque Dominique Strauss-Kahn était ministre de l’économie, et qui l’ont poursuivie sous le mandat de François Hollande. Elle n’est pas neutre, loin s’en faut, puisqu’elle est financée par une hausse conséquente de la fiscalité des ménages, par la dette et par une détérioration des services publics.

Les montants en jeu, accessoirement, relativisent le déficit prévisionnel de notre système de retraite qui est, selon les prévisions du COR, 10 fois moindre.

Les sujets sont liés, puisque comme pour la suppression de la CVAE, la réforme des retraites voulue par le gouvernement ne passera pas sans le soutien des parlementaires de droite, je veux dire, des autres parlementaires de droite, ceux de LR.

Pour notre part, nous considérons que les impôts dits « de production » reflètent – ou plutôt, reflétaient – la contribution et l’implication des entreprises au devenir des territoires sur lesquelles elles sont implantées. Alors certes, l’Etat va compenser cette suppression de la CVAE, mais d’une part, les départements vont perdre le dynamisme de cette contribution,  et d’autre part, les effets économiques de cette générosité restent à démontrer. Le gouvernement aurait été mieux inspiré, me semble-t-il, de maintenir la CVAE et de distribuer aux entreprises, sous condition, des subventions ciblées d’un montant équivalent.

Concernant la partie « dépenses » de ces orientations budgétaires, c’est-à-dire, pour rester sur la même thématique, les services publics qui incombent au département, il s’agit d’un budget en tout point conforme aux précédents. Un budget indéniablement rigoureux d’un point de vue comptable, mais qui manque singulièrement d’ambition politique eu égard à la fois à l’urgence de la situation, sociale comme climatique, et aux moyens dont dispose ce département.

Ainsi, il est prévu une augmentation, très modérée, des différents postes budgétaires. Pour autant, parmi ces augmentations, quelques baisses posent question.

Pour introduire le chapitre consacré au soutien aux publics fragiles, le rapport indique que « Le Département agit pour permettre aux familles en difficulté de faire face aux conséquences de la hausse des prix des denrées alimentaires et des matières premières ». Mais dans les faits, le budget consacré aux dispositifs d’aide à destination des ménages en difficulté et aux publics fragilisés est plutôt légèrement orienté à la baisse par rapport au budget primitif 2022, sur des volumes assez faibles au demeurant (13 M en DOB 2023 contre 13,6 M en BP 2022 / -4,41%).

Même baisse constatée concernant le soutien à la parentalité (4 M en DOB 2023 contre 4,3 M en BP 2022 / -5,74%) et le parcours « petite enfance » (23 M en DOB 2023 contre 24,4 M en BP 2022 / -6,98%).

L’an dernier à la même époque, je me suis contenté de signaler ces quelques baisses, et m’en suis tenu là. Mais cette année, le contexte a changé, avec une inflation de 5,2% constatée par l’INSEE en 2022. Si l’on retranche cette inflation aux augmentations annoncées dans le budget pour 2023, c’est-à-dire si l’on raisonne en euros constants, quasiment tous les postes sont en négatifs.

En gros, les augmentations de budget prévues en 2023 ne couvriront pas, pour la plupart des postes, l’inflation constatée en 2022, et pas non plus, a fortiori, celle attendu en 2023, qui devrait rester à un niveau similaire.

Au bout du compte, ce qui reste de ces orientations budgétaires pour 2023, une fois retranchée l’inflation, c’est un cruel manque d’ambition politique. Un manque d’ambition, notamment, pour remettre en ordre de marche les services sociaux du département, qui ne sont toujours pas en mesure de remplir les prérogatives qui sont les nôtres en matière sociale.

Au SST 6, qui regroupe Nanterre et Rueil, la nouvelle chef de territoire a impulsé une nouvelle dynamique indéniablement positive qui permet à ses services de répondre aux sollicitations les plus urgentes, ce qui n’était pas le cas il y a peu. Mais les effectifs manquent toujours pour revenir à un accueil inconditionnel et pour pouvoir accompagner tous ceux qui ont besoin d’aide, des personnes qui, aujourd’hui, si leur situation n’est pas jugée urgente, se voient proposer un rendez-vous avec un travailleur social dans plusieurs semaines, voire plusieurs mois. 

Je veux donc croire que le budget primitif que vous nous présenterez lors de la prochaine séance publique sera moins timoré et plus à même de répondre aux préoccupations des Alto-séquanais. Je serai notamment particulièrement attentif quant au résultat prévisionnel, la persistance d’un excédent n’étant pas compatible avec une diminution en euros constant de l’intervention du département, notamment concernant les solidarités.

Dans cette attente, nous voterons donc contre ces orientations budgétaires.

Nous voterons contre, également, le rapport suivant sur la dette du département, malgré le satisfecit que vous vous accordez.

Vous vous réjouissez en effet de n’avoir pas eu recours à l’emprunt depuis 2017, non sans annoncer cependant une reprise des recours à l’emprunt à partir de 2025. Et pour financer quoi ? L’hasardeux programme immobilier que vous nous avez exposé lors de la séance publique du 14 octobre dernier.

En gros, vous n’empruntez pas quand les taux d’intérêt sont nuls ou quasi-nuls, et vous recommencez à emprunter quand ils repartent à la hausse, pour financer un Monopoly immobilier dont les résultats semblent bien aléatoires.

J’en viendrais presque à regretter d’avoir crédité votre gestion de « rigoureuse »…