Les élus de notre groupe joignent leurs félicitations à celles qui ont été adressées au quarante-six conseillères et conseillers départementaux pour leur succès, mais aussi pour les efforts qu’ils ont consentis afin de tenter d’animer une campagne électorale empêchée par la pandémie et les atermoiements gouvernementaux.
Nous siégeons aujourd’hui dans la certitude commune que la très faible participation de nos concitoyens à ce scrutin nous interpelle sur l’état de notre démocratie, comme la nuée porte l’orage.
Le virus n’explique pas tout et, scrutins après scrutins, nous observons, avec une sidération croissante et un sentiment d’impuissance angoissant, monter toujours plus haut le flot de l’abstention.
Reconnaissons chers collègues qu’elle entame notre légitimité. Dans cet hémicycle, les seuls élus à l’issue du premier tour, Madame Fourcade et Monsieur Fromantin, auxquels j’adresse mes félicitations républicaines, n’ont été choisis que par 28 % des électeurs inscrits.
Au deuxième tour, les élus qui ont obtenu le meilleur résultat, à proportion des votants, Madame Mouaddine et Monsieur Datcharry, avec 83 % des voix, n’ont rassemblé que 17,8 % des suffrages des électeurs inscrits.
L’abstention est générale et structurelle. Elle touche toutes les populations. Ainsi, les électeurs de Neuilly n’ont pas plus voté que ceux des villes de Malakoff ou de Châtenay-Malabry, plus populaires.
Ce séisme électoral ébranle notre démocratie et les assises de la République. Que vaut le fait majoritaire quand son expression est minoritaire ?
En votant avec leurs pieds nos concitoyens ont exprimé leur indifférence pour la chose publique, les collectivités et leurs représentants.
Les causes de cette apathie démocratique sont multiples. Elle procède tout d’abord d’une transgression de nos institutions qui concentre l’essentiel du pouvoir dans les mains du seul Président de la République. L’actuel détenteur de ce mandat l’a mise en scène en organisant son tête-à-tête avec le peuple, dans le plus grand mépris des collectivités et des corps intermédiaires. Pourquoi continuer de voter localement alors que seul le scrutin présidentiel confère la légitimité ?
Cette relégation politique des collectivités territoriales s’accompagne de leur mise sous tutelle fiscale et organisationnelle. Cette curatelle de fait a fini par persuader les électeurs que nos capacités de décisions étaient finalement réduites à peu de choses. Pourquoi élire un conseiller départemental si le rôle du département est restreint à l’accompagnement de politique décidée ailleurs et toujours plus haut ?
En Île-de-France, l’enchevêtrement des compétences et la multiplication des échelons administratifs a fini par perdre le citoyen qui ne sait plus à qui il doit s’adresser quand la piscine est fermée ou quand les retards des bus sont permanents.
Notre première mission de nouveaux élus est de renouer le lien rompu entre le citoyen et notre collectivité. Nous sommes persuadés que le couple formé par l’association de la commune et du département, constitutif de notre première République, demeure une base ferme de cette reconstruction, car ces deux collectivités permettent de renforcer la proximité avec les populations et donc de mieux rendre visible leur utilité et donc le travail de leurs élus.
Vous connaissez notre attachement à notre département, dans les frontières qui lui ont été données en 1964. Nous nous sommes toujours opposés à sa fusion avec celui des Yvelines parce qu’elle aurait donné naissance à une chimère institutionnelle très éloignée des préoccupations de nos concitoyens.
En 2015, la majorité d’alors n’avait pas estimé nécessaire de soumettre au jugement des urnes le projet de cette fusion. Cette année, votre majorité n’a pas voulu non plus consulter nos concitoyens sur sa poursuite, son arrêt ou son abandon. Cet assemblage demeure pour vous un impensé politique. Pourtant l’abstention nous oblige collectivement à dresser le bilan des gains démocratiques, pratiques et économiques de la constitution de l’établissement public interdépartemental et de son efficience à gérer les compétences que les deux départements lui ont confiées.
Quel élu dans cette assemblée a tenté d’expliquer, durant la campagne, les relations singulières entre les Hauts-de-Seine, les Yvelines et l’établissement public interdépartemental et du fonctionnement complexe de ce trio digne d’une comédie de Labiche ?
Comment expliquer à nos concitoyens altoséquanais l’intérêt pour notre département de participer à la gestion de la route départementale numéro 906 qui traverse la forêt des Yvelines, malgré tout l’intérêt que le sénateur que je suis porte à la qualité de la liaison routière entre Paris et Rambouillet ?
Il est possible de s’interroger sur la pertinence de cette relation et ses bénéfices concrets pour nos concitoyens tout en affirmant la nécessité pour notre département de nouer des partenariats avec les autres collectivités de l’Île-de-France. Il faut pour cela que nous soyons en permanence capables d’expliquer à nos concitoyens le sens et le mode de contrôle démocratique de ces relations entre les collectivités.
Ainsi, parce que vous avez fait du centre d’affaires de La Défense l’objet essentiel de votre politique de développement économique, vous devez vous préoccuper des conditions de logement et de transport des dizaines de milliers de salariés sans lesquels il ne pourrait fonctionner.
Notre département doit assumer sa part de responsabilité dans la gestion de la migration quotidienne de plus d’un million de personnes qui chaque jour prennent les transports pour venir travailler à La Défense.
De la même façon, parce que notre collectivité est le premier donneur d’ordre dans le domaine de la restauration collective, nous sommes persuadés qu’il devrait exercer pleinement cette compétence pour mettre en œuvre un programme de soutien aux agriculteurs de l’Île-de-France et participer à la préservation de leurs terres agricoles, en relation avec les collectivités dont ils dépendent.
Pour restaurer l’utilité de notre département auprès de nos concitoyens, il doit tout d’abord mieux exercer les missions qui lui ont été confiées. En quelques mots, dans cette nouvelle assemblée, les élus de notre groupe travailleront avec la majorité départementale, dans une relation constructive, respectueuse, mais exigeante, pour que notre collectivité satisfasse l’exigence supérieure du contrat social républicain en réalisant concrètement l’égalité des droits pour le bénéfice de toutes les populations.
Notre département n’est pas une entreprise qui délivre des services, mais une institution qui assure des missions et qui a donc le devoir de favoriser l’accès du plus grand nombre à des prestations qui ont une fonction sociale. Notre modèle n’est pas celui de la discrimination positive anglo-saxonne, mais de l’émancipation républicaine qui accompagne davantage celles et ceux qui en ont besoin.
Le département des Hauts-de-Seine a les moyens financiers de cette ambition. Vous me permettrez, avant de conclure, de souligner le paradoxe de la relation de votre majorité avec ses excédents budgétaires.
Chaque année, dans cette assemblée, au moment de la discussion budgétaire, vous vous félicitez du demi-milliard d’excédents réalisés par notre collectivité.
Pourtant, dans la propagande distribuée par les élus de la présente majorité, il ne m’a pas semblé retrouver cet argument. Demandez-vous même si, alors que la pandémie a considérablement accru les difficultés sociales de nos concitoyens, cette montagne d’excédents n’avait pas contribué à la perte de deux cantons par votre majorité.
Monsieur le Président, mes chers collègues, mesdames et messieurs les membres du futur exécutif, les six élus du groupe de la Gauche citoyenne, communiste et républicaine, que j’ai l’honneur de représenter devant vous aujourd’hui, font le serment solennel de travailler pour l’intérêt collectif, l’égalité des droits et l’émancipation sociale de tous les citoyens de notre département.
Parce que notre démocratie est menacée par l’ébranlement que lui cause le tarissement des urnes et que les élus que nous sommes avons le devoir de renouer le lien rompu entre notre département et nos citoyens, nous veillerons particulièrement à clarté politique de nos débats, dans le respect des opinions de chacun, en recherchant les votes qui pourraient nous unir, mais sans jamais travestir les convictions qui nous opposent.
Pour porter ce projet collectif, notre groupe propose, aux suffrages des élus de cette assemblée, la candidature de notre collègue Patrick Jarry à la présidence du conseil départemental des Hauts-de-Seine.