Monsieur le président, Cher.e.s Collègues,

Le rapport d’orientation budgétaire qui nous est présenté aujourd’hui fixe les grands équilibres du dernier budget de cette mandature. Force est de reconnaitre que ce budget tranche avec ceux des années précédentes, plutôt marqués par un désengagement du département et la mise en œuvre d’une politique d’austérité, et apparait comme le budget de la réconciliation avec les électeurs et électrices, celui où vous desserrez les cordons de la bourse pour finir sur une image plus positive et plus généreuse.

On entend ce matin parler dans cette enceinte de sujets très absents ces dernières années : sport, jeunesse, habitat et renouvellement urbain, personnes âgées.

D’ailleurs pour le logement social arrêté de renâcler. 30 % de logements sociaux dans les constructions de plus de 12 logements hors quartier QPV, c’est le seul moyen durable de rattrapage et de faire la mixité réelle.

Techniquement, on peut parler de politique d’austérité lorsque les recettes sont plus importantes que les dépenses, soit parce la pression fiscale a été augmentée, soit parce que les dépenses ont été contraintes.

L’objectif d’une politique d’austérité est souvent de rembourser une dette : endetté, le département des Hauts-de-Seine ne l’est pas et le seul objectif de la politique d’austérité suivie depuis des années semblait être l’accumulation d’excédents.

J’ai déjà eu l’occasion, ici, de dire ce que je pensais de cette politique. La loi attribue aux départements un certain nombre de prérogatives, notamment en matière d’action sociale.

Or, les témoignages parfois désespérés de personnes qui ont sollicité ou ont tenté de solliciter les services sociaux du département, m’amène à penser que le département ne remplit pas correctement les missions qui sont les siennes.

A partir de là, l’affichage de ces excédents pouvait être considéré comme une gifle par ceux qui, pendant ce temps, ne parviennent pas à obtenir de rendez-vous avec un travailleur social du département.

La donne a changé en 2020, avec à la fois une crise sanitaire, économique et sociale d’une ampleur inédite, et la perspective du renouvellement des élus de cette assemblée.

Je partage, M. le président, votre constat concernant les problèmes structurels de financement de l’action publique départementale : l’Etat ne peut raisonnablement pas confier aux départements un certain nombre de compétences, tout en conservant les recettes.

Je partage vos critiques, avec cependant une différence notable : à la différence des élus de la majorité départementale, le bord politique dont je me revendique n’a pas voté les lois de décentralisation à l’origine de ces problèmes structurels, et notamment les lois Raffarin qui ont organisé le transfert du revenu minimum aux départements. Vous si.

Quoi qu’il en soit, je note avec satisfaction – et je vous en donne quitus – que le département semble dénouer un peu les cordons de sa bourse, et c’est une bonne chose. C’est même une nécessité, vu l’ampleur de la crise que nous traversons.

C’est également, ne nous leurrons pas, une nécessité politique pour ce dernier budget départemental avant les élections.

Si l’on observe plus particulièrement le budget de l’action sociale[1], principal prérogative du département, on arriverait ainsi en 2021 à une augmentation de près de 8,7% par rapport à 2019, dernier budget avant la crise.

Vous expliquez cette augmentation en indiquant que le montant alloué au financement des allocations individuelles de solidarité, et notamment le RSA, devrait croitre de près de 12%, du fait de l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA.

Pour être exact, M. le président, cette augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA amplifie celle constatée entre fin 2016 et fin 2019, le nombre de bénéficiaire du RSA a augmenté de 2%. Dans le même temps, le budget de l’action sociale du département diminuait.

Cela fait des années que vous faites des économies sur le budget de l’action sociale, notamment sur les dépenses de personnel. Cela fait des années que l’on vous dit qu’il y a pourtant des besoins. Vous commencez à vouloir le prendre en compte : comment ne pas s’en réjouir ?

Car la situation dans les services de solidarité territoriale, j’ai déjà eu l’occasion de m’en entretenir avec vous, est difficile. C’est peu dire que la réorganisation des EDAS en SST ne suscite pas l’enthousiasme, ni chez les usagers, ni chez vos agents et je crois pas plus chez les élu.e.s.

Mais si les usagers ont peu d’alternative, il n’en est pas de même des agents qui y travaillent, qui peuvent proposer leurs compétences à d’autres employeurs. Ces compétences et ces qualifications, le département est en train de les perdre.

Globalement, tous services confondus, c’est une véritable hémorragie que l’on constate au niveau des effectifs du département. En 2019, vous revendiquiez 5300 agents. Aujourd’hui, vous n’en comptez plus que 4700, alors même que le tableau des effectifs budgétaires pour 2021, présentée lors de la dernière séance publique, compte 6224 postes.

Cela signifie qu’il vous manque plus de 1500 agents, soit près d’un quart des effectifs que vous-même jugez nécessaires –puisque vous les conserver au tableau des effectifs – pour faire fonctionner correctement les différents services du département.

Vous commencez – et c’est heureux – à changer votre fusil d’épaule : j’en veux pour preuve le rapport 21.20, qui prévoit la possibilité de recruter plusieurs centaines d’agents contractuels sur des postes déjà existants. Mais c’est les laisser partir qu’il n’aurait pas fallu sans doute.

J’ai tendance à croire que ce qui fait la valeur d’une organisation, ce sont les individus qui la composent, qui mettent à son service leurs qualifications, leurs compétences et leur motivation. C’est pourquoi je considère, malgré vos comptes tirés au cordeau, malgré les couronnes de laurier tressées par les agences de notations, malgré vos excédents, qui durant cette mandature, le département des Hauts-de-Seine s’est appauvri. Il s’est appauvri en ressources humaines. Il s’est appauvri en compétences et en capacité d’intervention.

Ce faisant, la politique du Conseil départemental s’inscrivaient parfaitement dans l’idéologie libérale qui sévit depuis le début des années 80 et dont la majorité départementale est l’héritière. Une idéologie qui prétend que les pouvoirs publics ne sont pas la solution, mais sont le problème. Une idéologie qui n’a eu de cesse, depuis une quarantaine d’année, de s’en prendre aux différents services publics.

La crise sanitaire que nous traversons est en train de chambouler ce règne sans partage de cette idéologie libérale. Depuis un an, nous voyons bien, au contraire, que ce qui fait la force d’un territoire, ce qui fait sa capacité de résilience, ce sont au contraire ses services publics, et notamment, en l’espèce, ses services publics de santé. Lorsque nous défendions les services publics, ceux qui, au nom d’un libéralisme à tout crin, se prétendaient pragmatiques, ceux-là nous traitaient d’idéologues.

Mais les idéologues, ce sont eux, et les pragmatiques, c’est nous !

Pour conclure, je m’étonne de l’absence d’un élément indispensable pour conduire correctement ce débat d’orientation budgétaire et en plus de l’absence de fusion avec les Yvelines. Cet élément, c’est le résultat du compte administratif 2020.

A ce stade de l’année, vos services, comme dans la plupart de collectivités territoriales, devraient pourtant être en mesure d’évaluer ce résultat.

Vous l’avez.

Pourquoi manque-t-il cette donnée essentielle qui nous permettrait de savoir si, malgré la crise que nous traversons, malgré la baisse de certaines recettes et l’augmentation de certaines dépenses, le département a maintenu en 2020 un compte administratif excédentaire ou non ? Est-il trop important pour éviter d’en parler avant les élections ?

Pour notre part, nous avons des propositions pour répondre aux attentes de nos concitoyens, des propositions que nous avons plusieurs fois formulées et sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen du budget primitif.

Mais au-delà de ces propositions, nous considérons que l’heure est à la mobilisation de toutes les ressources disponibles pour venir en aide aux alto-séquanais et alto-séquanaise et pour sortir le plus rapidement possible de la crise économique, sociale et environnementale que nous traversons. Toutes les ressources disponibles, y compris l’emprunt, en profitant de taux d’intérêt historiquement bas.

Sans nier votre indéniable volonté d’infléchir la politique du département, vos orientations budgétaires, à ce stade, ne nous semblent pas encore à la hauteur de la situation actuelle et des urgences sociales, économiques et environnementales ni des promesses que vous faites ce matin mais il s’agit de promesses pour l’avenir.

Je vous remercie.

[1] Y compris les dépenses de personnels affectés aux solidarités.