Monsieur le Président, cher-e-s collègues,

Vous nous annoncez pour l’année 2019 un budget élaboré dans la continuité des années précédentes.

Telle était sans doute votre intention, et elle semble a priori réalisée, avec ce projet de budget qui présente effectivement toutes les caractéristiques idéologiques habituelles de la droite départementale : compression des dépenses et des personnels, rejet par principe de l’emprunt, sous-estimation des recettes qui se transformera en excédent faramineux au prochain compte administratif.

Mais il faut cette année apporter une nuance à ce constat de continuité. Vous gouvernez les Hauts-de-Seine depuis longtemps déjà. Or, votre budget forcit chaque année un peu plus le trait, à la manière de ceux qui, en prenant de l’âge, accentuent leurs tics et manies.

C’est le cas de l’idéologie qui nourrit ce projet. Elle vieillit mal. A force de se caricaturer elle-même, elle finit par devenir insoutenable, et pourrait atteindre un point de rupture, en poussant à l’extrême le principe de gouvernance qui est le vôtre depuis des années.

C’est ce qui s’est passé au niveau national ces dernières semaines. La demande de justice sociale a été trop longtemps ignorée. Votre projet semble pourtant sourd à cette revendication, aveugle face à l’actualité. Il voudrait passer pour moderne, mais est en réalité anachronique.

Ainsi, cette année encore, les dépenses de fonctionnement vont diminuer. A périmètre constant, c’est-à-dire après neutralisation des effets de la dette, des fonds de péréquation et du THD, elles sont passées de 1 503 millions d’euros en 2015 à 1 479 millions d’euros aujourd’hui, soit une baisse de 24 millions d’euros en 4 ans. Elles diminuent de 6 millions rien que cette année.

Les dépenses sociales hors prestations individuelles obligatoires, c’est-à-dire les dépenses facultatives, diminuent elles aussi d’année en année. 587 millions d’euros au budget primitif de 2017, 563 au budget de 2018, 549 cette année : 38 millions d’euros de moins en 3 ans ! Alors certes, vous nous dites que le budget 2019 ne peut être comparé à celui de 2018 en raison de la mise en œuvre du paiement différentiel pour les prestations d’hébergement en faveur des personnes âgées et handicapées. Mais cela n’explique pas les 24 millions d’euros de baisse des crédits entre 2017 et 2018, ni la totalité des 14 millions d’euros de baisse que vous imposez à nouveau aux plus fragiles cette année.

Qu’est-ce qui justifie réellement cette compression constante des dépenses et particulièrement des dépenses sociales, d’ailleurs ? Votre réponse à cette question légitime repose sur des arguments insincères.

Elle repose d’abord sur une dénonciation qui paraît bien vaine : celle du plafonnement par l’État de l’évolution des dépenses dans le cadre de « pactes financiers », ou, lorsque les collectivités ont refusé de signer ces pactes, par le biais d’un arrêté préfectoral leur imposant un taux maximal pour cette évolution.

La dénonciation en elle-même est pourtant justifiée. Ces pactes financiers, qui interviennent après des années de baisses massives et unilatérales des dotations de l’État, ne correspondent à rien d’autre qu’à une volonté de l’État de contrôler toujours plus les collectivités, et de leur imposer la logique libérale de la rigueur qui prévaut depuis des décennies en France et en Europe.

Mais cette logique, vous y souscrivez pleinement. Vous l’appliquez vous-même depuis des années en réduisant toujours plus les dépenses de fonctionnement. Ainsi, pour 2019, alors que l’État vous autorise à augmenter vos dépenses de 14 391 724€, vous les diminuez de 6 millions d’euros. Vous pourriez donc dépenser 20 millions d’euros de plus pour le service public du Département. Ces 20 millions pourraient aider et soutenir tous ceux dont la situation financière est fragile et tendue, et qui auraient parfois désespérément besoin d’un peu d’oxygène.

Au fond, ce plafonnement vous permet de mettre en œuvre l’idéologie d’austérité qui vous guide au même titre que l’actuel Gouvernement, sans devoir en porter totalement la responsabilité.

La compression des dépenses repose sur deux autres contrevérités. L’une concerne les recettes, systématiquement sous-estimées. Montant budgété en 2015 : 1 620 millions d’euros. Recettes perçues au compte administratif : 2 175 millions, soit 555 millions de différence. En 2016, 1 600 millions au budget primitif, 2 200 millions au compte administratif, soit 600 millions de différence. En 2017, 1 611 millions d’euros au BP, 1 883 millions au compte administratif, 272 millions de différence.

Cette mystification concerne particulièrement les droits de mutation, minimisées de 30% en 2016 et de 34% en 2017.

Seconde contrevérité, celle qui porte sur l’emprunt. Monsieur le Président, pourquoi nous demandez-vous de budgéter 237 millions d’euros d’emprunt, cette année encore, alors que vous avez emprunté 3 millions d’euros en 2016, et 0 en 2017 ?

Vous savez comme nous que vous n’emprunterez rien l’année à venir. Bien au contraire. Cette année encore, tous les ingrédients sont réunis pour que l’exécution de ce budget génère un excédent astronomique, ce que vous feindrez de découvrir au moment du compte administratif – je rappelle que ces deux dernières années, il était d’un montant moyen d’un demi-milliard d’euros.

Or, avec le plafonnement de l’évolution de vos dépenses calculé par l’Etat sur une base artificiellement basse par rapport à vos capacités réelles, vous allez désormais disposer d’une cagnotte de plusieurs centaines de millions d’euros que vous ne pourrez plus réinjecter en dépenses, et que votre investissement, même en hausse, ne suffira pas à absorber.

Nous souhaitons donc savoir ce qu’il va advenir de cette cagnotte. Il nous semble que cet argent qui devrait bénéficier aux habitants de ce Département est désormais coincé dans un circuit clos.

Les fictions sur lesquelles se fonde la compression des dépenses, cette surprise feinte quant à l’excédent qui est la même chaque année au compte administratif, tout cela revient à dire que votre budget ne peut s’assumer pour ce qu’il est vraiment. Or, en politique, ne pas pouvoir dire la vérité, ce n’est jamais très bon signe.

C’est en tout cas le signe que l’on n’est pas très à l’aise, et au vu du climat actuel, je vous comprends. La politique que vous menez ici rappelle en tous points celle menée à l’échelle nationale par M. Macron et son gouvernement. Et s’il est vrai qu’Emmanuel Macron n’était pas votre candidat lors des dernières présidentielles, celui que vous plébiscitiez alors aurait sans doute tenté d’aller plus loin encore dans l’austérité, la rigueur et la compression des dépenses sociales. En la matière, il ne promettait rien d’autre que du sang et des larmes.

Dès lors, la comparaison est légitime. De la même manière que M. Macron, vous justifiez votre programme qui ne s’occupe que des plus aisés en prétendant qu’il finira par bénéficier à tous, alors que la pauvreté ne cesse d’augmenter, y compris dans les Hauts-de-Seine. Comme lui, vous voulez nous convaincre que la rigueur est moderne, et tentez de nous présenter comme novatrices les recettes libérales de l’austérité qui sont appliquées partout en France et en Europe depuis des décennies, toujours pour le pire, jamais pour le meilleur.

Comme lui, enfin, et comme tous les tenants de la droite, vous affirmez qu’il est possible de réduire encore et toujours les moyens et le périmètre du service public, sans que sa qualité en soit affectée ; alors que tout un chacun fait l’expérience contraire au quotidien. Comment pourrait-il en être autrement ? En matière d’action sociale, ces huit dernières années, le nombre d’interventions et d’actions réalisées par les travailleurs sociaux a chuté de 38%. Le nombre de ménages concernés par ces interventions, de 50%. Le nombre d’enfants vus en consultation dans les PMI, de 19%. Les crédits alloués aux associations d’aide aux jeunes en difficulté, de 47%. Le nombre d’aides accordées dans le cadre du Fonds de Solidarité pour le Logement, de 68%. Le soutien aux associations œuvrant en faveur des personnes handicapées, de 10%.

Et cela continue. Depuis 2014, vous avez réduit de près de 4% les dépenses consacrées à la famille et à l’enfance, de 11% celles consacrées à la protection maternelle et infantile, de près de 9% celles consacrées à la prévention et l’éducation pour la santé.

Toutes ces familles qui bénéficiaient auparavant de certaines aides et de certains services, et n’y ont plus accès aujourd’hui, ne sont pas sorties de la pauvreté. Au contraire. Dans les Hauts-de-Seine, celle-ci est passée de 10,6% de la population en 2010 à 12,4% en 2015. Les besoins ont donc augmenté, et non pas diminué.

C’est pourquoi nous vous mettons en garde. Nous touchons aux limites de ce que les habitants du Département peuvent supporter en termes d’inégalité et d’injustice. Or, ici comme ailleurs, les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets.

Lorsque nous affirmons cela, ce n’est pas qu’une simple vue de l’esprit. Le sentiment d’être exclu de l’espace métropolitain et de ses avantages peut être dévastateur. C’est la raison pour laquelle, par exemple, nous vous demandons depuis des mois de cofinancer une partie du Pass Navigo pour les retraités. Aujourd’hui, une partie d’entre eux est en réelle difficulté, et vit moins bien qu’avant la crise. Or la mobilité, la capacité de se déplacer est devenue une question centrale partout en France, comme l’actualité récente le démontre.

Quel sera le ressenti de ces retraités qui ne peuvent pas payer le Pass, quand demain, ils ne pourront pas bénéficier des lignes nouvelles qui viendront desservir Boulogne, Bagneux, le pont de Sèvres ? À l’heure où des réseaux nouveaux se développent partout en Île-de-France, comment vivront-ils de devoir renoncer à des visites familiales, des événements culturels, des initiatives de sociabilité, faute de pouvoir payer le transport ?

Monsieur le Président, depuis 2014, les dépenses sociales consacrées aux personnes âgées ont diminué de 7% au compte administratif. Nous vous demandons pour notre part, encore une fois, d’utiliser une partie des 20 millions d’euros de marge qui vous reste, pour financer leur mobilité.

Nous vous demandons d’en remettre une autre partie là où vous les avez pris, dans les Établissements Départementaux d’Action Sociale et dans les services d’Aide Sociale à l’Enfance dont les personnels toujours réduits sont à bout de souffle. Nous vous demandons de cesser de diminuer vos effectifs, passés de 6 500 agents en 2011 à 5 302 aujourd’hui, soit 1 198 agents en moins en 6 ans, c’est-à-dire une réduction de 18,5%.

Cette année encore, vous budgétez 5 millions d’euros en moins pour financer le personnel, soit l’équivalent de plus de 100 postes ! Cette baisse drastique s’ajoute aux 6 millions déjà supprimés l’an dernier. Elle met l’ensemble du service public départemental en grande tension. En comprimant ainsi la masse salariale par tous les moyens, votre politique des ressources humaines prive les usagers d’un service serein. Elle remet en cause tant la qualité de ce service que les conditions de travail de vos agents.

Nous approuvons en revanche votre décision d’investir 62 millions d’euros dans le fonds de solidarité interdépartemental créé avec les autres départements de la région. Après avoir fustigé pendant des années toute péréquation, et tenu des propos parfois très durs à l’égard de la gestion des autres Départements, il semble que vous vous rendiez à l’évidence : l’espace métropolitain est en train d’exploser devant les inégalités sociales et territoriales.

Nous nous devons toutefois de rappeler que vous avez activement contribué à la constitution de villes de l’entre-soi, et à écarter des Hauts-de-Seine les couches populaires. Ainsi, en 1982, les Hauts-de-Seine et l’Île-de-France comptaient la même proportion d’ouvriers et d’employés : 55%. Tandis qu’en 2015, cette proportion est passée à 29% dans les Hauts-de-Seine, alors qu’elle est encore de 40% en Île-de-France !

Vos efforts pour modifier la composition sociologique des Hauts-de-Seine ont payé. Toutefois ils n’ont pas suffi à évincer totalement la pauvreté. Monsieur le Président, aujourd’hui plus que jamais, vous devez considérer que la réduction des fractures territoriales qui caractérisent ce département fait partie de vos devoirs et de votre raison d’être.

Vous pourriez aussi considérer que la crise écologique appelle à une réponse bien plus volontariste et massive que ce que vous proposez aujourd’hui. Compte tenu des moyens qui sont les vôtres, vous pourriez investir bien plus fortement dans toutes les actions qui contribuent à réduire la consommation énergétique et les émissions de CO2, notamment. Il s’agit de faire en sorte que demain, nos villes soient encore vivables et respirables. Mais il s’agit aussi, là encore, d’assurer une certaine forme de justice sociale, et de défendre le droit de tous à vivre dans un environnement sain.

Vous n’avez eu de cesse de défendre la légitimité des Départements, ces dernières années, alors qu’il était question de les supprimer. Mais tout dans votre projet de budget contribue à renier leur vocation et leur utilité. Vos missions profondes sont grignotées chaque année, petit à petit abandonnées.

Ainsi, cette année encore, vous nous proposez un budget d’austérité, un budget de régression sociale, qui ne prend pas en compte l’ampleur du désastre environnemental et n’est pas à la hauteur pour assurer la transition écologique qui reste à mener. Un budget qui ne promeut pas l’égalité territoriale, ni un meilleur accès aux droits des plus en difficulté, et encore moins une plus grande solidarité.

Notre groupe veut pour sa part porter la vision d’un Département promoteur d’une politique ambitieuse, sociale, solidaire, écologiste et féministe. Une politique qui se concrétise par un budget au service des plus fragiles, qui ait pour vocation de répondre aux besoins des populations, de favoriser le vivre-ensemble et l’émancipation de chacun, culturelle, sportive, économique. Nous avons dans ce département largement les moyens de cette politique.

C’est pourquoi le groupe Front de Gauche et Citoyen votera contre ce budget, et vous soumet une autre proposition ; une proposition qui défend une politique de justice sociale et de réduction des fractures, volontariste en matière de protection des plus vulnérables, promotrice d’un développement solidaire, social, humain, culturel de notre territoire.

Je vous remercie.

Amendements du groupe au budget primitif 2019

Sur le fonctionnement

Exposé des motifs :

Sans qu’il y ait la moindre nécessité de rigueur budgétaire, le budget primitif 2019  propose de diminuer, une nouvelle fois, le volume des dépenses réelles de fonctionnement (1 479 M€ contre 1 485 M€ en 2018) alors même que l’arrêté préfectoral imposant un taux maximal pour son évolution autorise de les augmenter de 14 M€.

Une enveloppe de 20 millions d’euros qui permettraient de répondre aux besoins des habitant-e-s de notre département qui sont en difficultés et qui ont besoin d’être soutenu-e-s par des politiques publiques ambitieuses et solidaires.

Le rôle du département étant d’être chef de file des politiques sociales, notre groupe dépose un amendement et propose que ces 20 millions d’euros soient consacrés à la mobilité des jeunes et des retraité-e-s, à la petite enfance, à la révision de la tarification sociale de la restauration scolaire, à l’augmentation de l’aide aux voyages d’études dans les zones d’éducation prioritaire, à l’amélioration des services sociaux, à l’aide aux associations notamment celles qui oeuvrent contre les violences faites aux femmes.

Notre groupe défend pour notre Département et pour tous ses habitant-e-s une autre politique.

Une politique qui n’exclue personne.

Une politique qui réponde aux besoins des populations.

Une politique qui favorise le vivre-ensemble.

Amendement :

La délibération N°1 du budget primitif est ainsi modifiée de 20 millions d’euros supplémentaires pour la section de fonctionnement . Cette enveloppe sera prise sur le virement de la section de fonctionnement vers la section d’investisssement, diminuant l’autofinancement et augmentant l’autorisation d’emprunt pour la section d’investissement en  mobilisant une partie de l’emprunt contracté auprès de la Banque Européenne d’Investissement non mobilisé.

Le budget Primitif 2019 est ainsi approuvé :

Investissement                                Fonctionnement

Dépenses                 837 674 669,25€                         2 184 416 752,25€

Recettes                    837 674 669,25€                         2 184 416 752,25€

Le montant de l’autorisation d’emprunt en 2019 s’élève à 257 522 755,03€.

Sur l’investissement

Exposé des motifs :

La capacité d’autofinancement et le faible encours de la dette du département, permettrait la mise en œuvre d’une politique d’investissement véritablement ambitieuse, qui aurait des effets positifs immédiats, directs et indirects, sur la vitalité de notre territoire tout en le préparant aux défis de l’avenir.

Or, une nouvelle fois, dans ce budget primitif 2019, les dépenses d’investissement financées ne sont pas à la hauteur des besoins des Altoséquanais.

C’est pourquoi notre groupe dépose un amendement qui propose qu’une enveloppe de 60 M€ soit consacrée à la rénovation énergétique des collèges et du patrimoine de Hauts-de-Seine Habitat ainsi qu’au programme de l’ANRU 2.

Ces investissements peuvent être financés par une partie du prêt de 145 M € contractés par le département auprès de la Banque Européenne d’Investissement qu’il n’a pas mobilisé.

Amendement :

La délibération N°1 du budget primitif est ainsi modifiée de 60 millions d’euros supplémentaires pour  l’investissement financés par une mobilisation d’une partie de l’emprunt contracté auprès de la Banque Européenne d’Investissement. Soit après la modification des dépenses de fonctionnement, d’investissement, une mobilisation de l’emprunt de la BEI de 80 M€ sur les 145 M€ autorisés.

Le budget Primitif 2019 est ainsi approuvé :

Investissement                                Fonctionnement

Dépenses                 897 674 669,25€                          2 184 416 752,25€*

Recettes                    897 674 669,25€                             2 184 416 752,25€*

L’autorisation d’emprunt pour 2019 est ainsi modifiée à 317 522 755,03€*.

*Prise en charge de l’amendement N°1.