Monsieur le Président, cher-e-s collègues, j’ai une révélation à vous faire aujourd’hui les élus du groupe Front de Gauche et Citoyens semblent être quelque peu devins. En effet, en décembre 2016, lors du vote du budget, nous avions fait part d’un fort pressentiment : celui que l’excédent budgétaire de l’année 2017 atteindrait des sommets. En effet, cet excédent s’élève à 471 M€, mais cela témoigne peut-être moins de notre clairvoyance que de votre prévisibilité. Après tout, nous sommes très proches du record de l’année précédente, à 536 M€ d’excédent. Cela met la moyenne des deux dernières années à plus de 0,5 Md€, soit deux fois le budget d’une Ville comme la mienne.

Je vous rassure, même en abandonnant le record de 2016, vous restez la Collectivité départementale détentrice des plus hauts montants d’excédent en France. Je tiens à rappeler les montants d’excédent des années précédentes pour que l’on puisse mesurer leur évolution : 95 M€ en 2013, 82 M€ en 2014, 236 M€ en 2015, 536 M€ en 2016, et donc 471 M€ en 2017. Ainsi, année après année, l’excédent du compte administratif est de plus en plus important.

Pourtant, année après année, vous nous faites l’affront de prétendre nous convaincre que ces excédents sont des surprises et que la hausse de vos recettes est exceptionnelle et volatile.

Année après année, au moment du vote du budget primitif, vous osez nous expliquer qu’il faut réduire les dépenses, et particulièrement les dépenses sociales, sur la base de prévisions de recettes exagérément faibles, sur lesquelles nous vous interpellons systématiquement.

Année après année, vous vous défendez de tout excès de prudence contre toute évidence.

Ainsi, vous tentez de nous faire croire que la situation est grave, au mépris de la réalité qui est que le Département des Hauts-de-Seine n’est pas dans la difficulté, contrairement à bien d’autres Collectivités.

Certes, les dotations de l’État sont en baisse, assujetties à la doctrine d’austérité qui, au fond, est également la vôtre, bien que vous contestiez ces ponctions injustes, mais si celles-ci mettent effectivement bon nombre de Collectivités dans des positions financières intenables, elles n’affectent le Département des Hauts-de-Seine qu’à la marge. Votre compte administratif donnerait plutôt raison à l’État qui prétend que les Collectivités ont de la marge.

Ainsi, le même scénario se rejoue inlassablement. Dès lors, si vous aviez réellement foi dans vos propres justifications, cela signifierait que votre capacité à analyser la situation et à anticiper est bien faible et nous ne serions pas rassurés au regard des responsabilités qui sont les vôtres, ou alors vous n’êtes pas sincère et vous tablez sur l’éloignement de l’Institution départementale des citoyens dans les zones métropolitaines pour constituer et entretenir un excédent qui, en l’état, ne bénéficie à personne, sauf à ceux qui voudraient remporter la course au AA+ des agences de notation financière. Je le dis d’ailleurs, dans aucune commune, une telle stratégie ne pourrait être acceptée sans être sanctionnée par les citoyens. Cette stratégie qui repose sur un travestissement de la réalité est en train d’être poussée à son paroxysme.

Nous avons encore franchi un cap cette année : 471 M€, c’est ce qui vous reste après que vous avez financé l’investissement quasiment sans emprunt.

D’un autre côté, vous avez, cette année encore, comprimé certaines des dépenses qui constituent le cœur de votre mission et devraient représenter votre préoccupation première.

Alors même que les recettes étaient en hausse, notamment les droits de mutation, qui ont augmenté de près de 9 %, les dépenses de fonctionnement au chapitre de l’enseignement ont baissé de près de 3,5 M€ entre 2016 et 2017, celles du chapitre logement de 1 M€ suite à l’arrêt du financement du Prêt Logement Hauts-de-Seine, la prévention médico-sociale de plus de 3,5 M€ sur deux ans, moins 22,5 M€ sur la même période pour les actions sociales, ou comment faire des économies sur le dos des habitants les plus vulnérables ?

Quant à la hausse spectaculaire du budget dédié au chapitre culture, vie sociale, jeunesse, sport et loisirs, elle est due à la création de la Seine musicale, qui masque en fait des baisses tout aussi spectaculaires : ‑73 k€ pour les bibliothèques et les médiathèques cette année, ‑170 k€ pour les musées, ‑41,6 k€ pour la jeunesse. Le budget a été divisé par 2.

Ces coupes s’ajoutent à celles des années précédentes, au cours desquelles vous avez réduit toujours plus les montants consacrés au Fonds de Solidarité pour le Logement, aux PMI, à l’accès aux soins des personnes sans couverture sociale, coupes qui ont des effets très concrets sur le terrain : ce sont des services qui sont affaiblis, des postes qui ne sont pas remplacés, des subventions aux associations qui diminuent, des places d’accueil pour la petite enfance ou les personnes âgées qui manquent de plus en plus cruellement. Qu’est-ce qui justifie de telles ponctions ?

Ce n’est pas la baisse de la demande. Les cent quatre-vingts dix mille de nos concitoyens qui vivent sous le seuil de pauvreté dans les Hauts-de-Seine et qui représentent 12 % de la population du département existent toujours ; à notre connaissance, ils n’ont pas subitement disparu.

Le montant de l’excédent le prouve, ce n’est pas non plus le manque de moyens. Non seulement ceux dont nous disposions ne nous obligeaient d’aucune façon à contenir ni à réduire ces dépenses, mais ils nous permettaient même de les augmenter.

Alors, bien sûr, le dogme de l’État dont vous parliez tout à l’heure, Monsieur le Président, vous rend service, il vient vous servir sur un plateau une justification pour ne plus augmenter les dépenses de fonctionnement. Notons que cela ne touche pas les dépenses d’investissement.

Je rappelle également qu’à ce jour, vous n’avez pris le moindre engagement d’investissement en faveur de la rénovation des quartiers populaires retenus par l’ANRU 2 au titre du deuxième programme national de renouvellement urbain. Pourtant, encore une fois, ce ne sont pas les moyens qui manquent, ni quand il s’agit d’alimenter l’excédent ni quand il s’agit de contribuer aux charges et dépenses de l’Établissement public Paris La Défense, qui représente visiblement votre priorité absolue.

Ainsi, cet argent que vous thésaurisez, c’est aux Altoséquanais qu’il devrait être reversé, et particulièrement aux plus fragiles d’entre eux, dans le cadre de votre mission première de solidarité. Avec ces sommes, vous auriez pu maintenir et développer des politiques publiques qui feraient des Hauts-de-Seine un Département en pointe en matière de cohésion et d’inclusion, des politiques ambitieuses en matière d’accompagnement des plus fragiles, de réduction des inégalités et des fractures territoriales, des politiques qui n’excluent personne et répondent aux besoins des populations, qui favorisent le vivre ensemble par l’émancipation de chacun, culturelle, sportive, sociale, économique. Plus encore que n’importe quel autre Département, vous pourriez être garant d’une certaine justice sociale.

Mais cette idéologie de l’austérité qui semble vous animer et que vous nommez pudiquement « bonne gestion », cela fait des décennies que l’on en constate partout les effets, elle n’aboutit à rien d’autre qu’au creusement des inégalités, à la fragilisation de ceux qui ont le plus besoin de solidarité, à l’exclusion d’une partie croissante de la population et, au final, au sentiment d’injustice et au délitement de tout ce qui fait société.

Vous n’êtes pas sincère lorsque vous prétendez ne pas avoir le choix. C’est en toute conscience et malgré les moyens considérables dont vous disposez que vous menez une politique qui rogne continuellement sur les services utiles à la population.

C’est pourquoi le Groupe Front de Gauche et Citoyens votera contre ce compte administratif.