Mesdames, Messieurs, Monsieur le Président,
Je ne peux aborder ce rapport sans avoir en tête le montant indécent de l’excédent budgétaire – 536 millions d’euros !! Une richesse qui se construit sur la paupérisation du plus grand nombre ne peut soulever que de l’indignation. J’imagine la révolte des personnels qui ont découvert ce montant exorbitant et à qui vous ne cessez de dire que vous manquez de moyens pour répondre à leurs revendications, à qui vous demandez d’accepter les réorganisations avec toujours moins de moyens.
Aujourd’hui, alors que le compte administratif dégage 536 millions d’euros d’excédent, les personnels sont en difficulté, sous pression. Oui, dans les PMI, à l’ASE et dans de nombreux autres services, beaucoup n’ont plus les moyens d’exercer correctement leurs missions tant les budgets ont été réduits, entre les postes laissés vacants et les réorganisations internes, qui entrainent dysfonctionnements et pertes d’efficacité. A cela, il faut ajouter les inquiétudes qui pèsent autour du projet de fusion, du déménagement à l’ARENA et de l’externalisation d’un certain nombre de services, orchestrés par vos objectifs de réduction de la masse salariale. La fuite des cadres en témoigne également.
Alors oui, particulièrement cette année, à l’occasion de ce bilan des services, je veux, au nom de tous les membres du groupe Front de Gauche et citoyen, remercier vivement les agents pour le travail accompli malgré les difficultés et incertitudes qui pèsent, au quotidien sur leurs activités professionnelles. Sans les agents, les fonctionnaires, les contractuels, le service public n’existe pas. Ils en sont le cœur battant. Les préserver, défendre leur statut, leur conditions de travail, leur donner les moyens d’exercer leur mission est donc l’une des garanties du bon fonctionnement du service public.
Aucune écoute n’est consentie aux personnels du pôle solidarité. Pourtant, ils sont nombreux à décrier leurs conditions de travail et les limites qu’ils connaissent pour pouvoir accomplir réellement les missions d’accompagnement des publics : Les EDAS vont mal. Lors de la présentation de la reprise en gestion du FSL, je me souviens très précisément de l’intervention de la directrice d’un CCAS d’une commune du sud-ouest du département, qui dénonçait une baisse de moyens l’empêchant de répondre à toutes les demandes. Imaginez dès lors, que dans les villes où une grande partie de la population est en difficulté économique et sociale, le suivi et l’accompagnement est très en deçà des besoins. A Gennevilliers, l’EDAS travaille depuis plusieurs mois, avec la moitié de son effectif, faute de remplacements. Les délais de rendez-vous sont devenus inacceptables. Indigne de notre époque. Indigne de notre territoire. Indigne de votre excédent budgétaire.
Les chiffres du bilan d’activités parlent d’eux-mêmes. Moins d’équipes –passage de 22 à 16-, moins d’appels téléphoniques reçus -24 000 en deux ans-. Les lignes sonnent certainement dans le vide, faute d’interlocuteurs. Cela conduit à moins de personnes reçues. Moins 7 000 en 2 ans. Puis moins d’aides octroyées notamment les aides à l’hébergement, qui diminuent fortement depuis la reprise en gestion directe du Fond de Solidarité Logement. Ma collègue Marie-Hélène Amiable a eu l’occasion de dénoncer ce désengagement à plusieurs reprises.
A la lecture de ces chiffres, vous concluez que la situation s’améliore. Nous pensons pour notre part qu’une partie de la population est laissée de côté. Car les aménagements et modifications des critères dans le domaine social conduisent à exclure les moins vulnérables des familles les plus fragiles et à moins aider les plus pauvres des plus précaires. Au final, grâce à cet effet de ciseaux, le nombre de personnes bénéficiant d’aides départementales baissent et le Conseil départemental peut afficher des excédents budgétaires toujours plus hauts. Votre technique est bien huilée mais elle n’arrive pas à masquer la réalité.
En 10 ans, le nombre de familles pauvres a augmenté de 1 million, en France. Les Hauts-de-Seine ne sont pas épargnés. Ainsi, dans le triste palmarès des Villes les plus inégalitaires, où se manifestent les plus gros écarts de richesse, on retrouve dans les 20 premières communes, 12 villes situées dans les Hauts-de-Seine ! Neuilly-sur-Seine, Boulogne-Billancourt, Suresnes, Saint-Cloud, Asnières, Levallois-Perret, Sèvres, Colombes, Bois-Colombes, Courbevoie, Puteaux et Meudon.
Les inégalités de revenus progressent parce que les riches et les très riches en veulent toujours plus. Et l’’écart se creuse entre les plus pauvres et les couches moyennes. A l’image du PDG de Renault qui s’attribue un revenu de plus 7 millions par an, soit 600 000 par mois soit près de 30 années de salaire médian ou 40 années de SMIC. Où va-t-on ? N’y aura-t-il jamais de limite à l’indécence ?
Dans notre Groupe, nous n’accepterons jamais ces inégalités. Nous refusons d’assumer une société où le meilleur gagne, -peu importe les inégalités dans un monde de juste compétition-, où il ne suffirait plus aux pouvoirs publics que de vérifier que les conditions de la concurrence soient « pure et parfaite », que « l’égalité des chances » soit effective.
Notre groupe souhaite au contraire qu’on utilise les moyens, dont nous disposons, pour mener une politique de plus grande solidarité, de véritables politiques de lutte contre les inégalités, en cohérence avec notre devise républicaine. Nous voulons l’égalité tout court, pour une société plus équitable. Notre société en sortira grandie. Elle gagnera en cohésion, en cohérence, en respect mutuel. Je pense même qu’une société égalitaire redonnerait de l’élan citoyen, du partage et de l’investissement pour la chose publique à l’inverse de la désertion désespérante que nous subissons avec l’abstention et la défiance envers la classe politique.
Le rapport 2017 de l’Observatoire des inégalités en France s’intitule « Inégalités : une hypocrisie française ». Je vous en recommande la lecture. Il est très éclairant sur les mécanismes en œuvre qui continuent de produire et d’aggraver les inégalités, qui engendrent sentiment d’abandon et de mépris et conduisent finalement à la haine et au rejet.
Aussi posons-nous la question de notre capacité départementale à entendre, à faire « nôtre » les demandes des usagers pour mieux les aider à répondre à leurs besoins ? Comment entendre les usagers et les professionnels des Centres de Planning et d’Éducation Familiale et des PMI des Hauts-de-Seine qui se sentent menacés.
Certes, en la matière, vous énoncez clairement vos choix politiques pour les mois à venir « Retour au département de l’ensemble des missions qui lui reviennent de par la loi et qu’il entend légitimement exercer sous sa propre responsabilité et avec ses propres équipes ». Vous assurez que le Département mène « actuellement de grands projets pour la PMI qui n’avaient jamais été menés jusqu’ici » et que « ce changement de mode de gestion ne peut être assimilé à une réduction de service ». Pourtant, la réalité sur le terrain est toute autre. Comment ne pas être inquiété quand vous parlez d’exercer « avec vos propres équipes », qui viennent, avec la réorganisation en Territoire d’être réduites d’un quart. Le bilan d’activité montre bien que les équipes sont passées de 22 à 16. Dans le 78, 30 ont été fermées sur 55. Les inquiétudes sont donc légitimes, fondées et présages de fermeture et de non renouvellement de postes mais aussi et surtout d’abandon de missions, comme je le disais en début d’intervention. En PMI, ce seront les bilans des enfants de 4 ans qui ne seront plus assurés par les médecins, les familles les moins en difficulté qui seront redirigés vers la médecine de ville.
Les moyens humains et financiers sont déjà en baisse. A Gennevilliers, les effectifs des PMI sont passés de 9 à 4,5 ETP de puéricultrices ! La PMI et le CPEF de Saint-Cloud, viennent d’apprendre leur démantèlement. D’autres structures se regroupent, fusionnent au titre de la « modélisation » que vous défendez. Ainsi, le troc qui consiste à proposer des locaux neufs… enterre l’intérêt premier de nos centres, à savoir leur proximité avec les familles.
Quelle jubilation, à ce propos de lire page 3 du rapport de bilan des services, que l’enquête de parcours initiée par le Pole Solidarité, auprès des femmes enceintes ou récemment accouchées, a permis de faire ressortir que les PMI présentent un intérêt manifeste comme lieu de proximité. Aussi permettrez moi d’insister de nouveau sur les propos du Défenseur des Droits, Monsieur Toubon, qui dénonce que la perte de proximité conduit à l’isolement et au recul de l’accès au droit.
Certes « le Département mobilise des moyens, qui nous permettent de proposer une offre de services allant bien au-delà des normes fixées par le code de la santé publique », pour assurer l’égalité d’accès aux PMI et aux CPEF pour tous les habitants du 92, les normes nationales doivent être adaptées aux réalités socio-économiques et sanitaires des communes !
Comment ne pas entendre le cri d’alarme des personnels de l’Aide Sociale à l’Enfance. Les mots pour décrire le malaise sont puissants. Ils parlent de mise en danger. Je ne veux pas redire tout ce que ma collège Laureen Genthon vient de vous dire mais il est désormais urgent d’ouvrir les yeux. Notre Département est défaillant. Bien sûr dans la presse, j’ai lu que les services de protection de l’enfance dans d’autres départements étaient également visés, en difficulté et les enfants en danger. MAIS dans ces autres départements, en l’occurrence dans les Bouches-du-Rhône et le Maine-et-Loire, combien ont-ils réussi à mettre de côté ? Les comptes d’administratifs de chacune de ces deux collectivités affichent-ils des excédents budgétaires comme dans les Hauts-de Seine.
Non c’est certain !
536 millions d’excédent budgétaire en 2016 ! C’est 20 % de notre budget ! Ce sont des sommes indécentes, inimaginables. Cela ne s’explique pas. L’an dernier vous aviez avancé des arguments sur des recettes imprévisibles beaucoup plus importantes pour justifier les 236 millions d’excédent. A ce niveau-là, au regard des montants, il ne peut s’agir de simples erreurs de calcul, de prévision. Vos choix sont moribonds. Il pousse au délitement de notre société. Vous participez à la confiscation des richesses. Vous refusez la solidarité territoriale au sein de la Métropole en créant un hyper département de privilégiés. Vous refusez la solidarité à votre population. Cela ne fait qu’accentuer les inégalités territoriales qui existent ici.
Au-delà des mauvaises appréciations de recettes, ces 536 millions ont été grappillés sur de multiples actions, petit à petit. Baisse des subventions aux associations culturelles, aux associations caritatives, baisse des moyens du PDIRE. Parfois ces baisses ont des conséquences catastrophiques. Juste un dernier exemple avant de rendre la parole. Un grand nombre d’élus ont été interpellé par le CAMSP de Courbevoie-Neuilly sur ses difficultés qui conduisent à une réorganisation du temps de travail des agents et donc à des modifications d’amplitude des heures d’ouverture. En quoi cela nous concerne-t-il ? Eh bien, en 2016, leur subvention de fonctionnement a été amputée de 300 000 euros. Une démonstration de plus, s’il en fallait, pour montrer que vos choix politiques de restriction budgétaire drastique ont des conséquences directes sur la vie des gens. Je vous remercie.