Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,

Nous devons nous prononcer sur ce budget de 13,5 millions d’euros, correspondant à trois services transférés à l’EPI, mais surtout préfigurant une fusion complète entre les deux départements que vous entendez réaliser d’ici la fin de l’année.

Ce qu’il faut regretter, avant toute chose, c’est que vous soyez si peu transparents. L’enjeu n’est pourtant pas mince.

Vous faites beaucoup de raccourcis pour essayer de nous faire croire à une logique imparable dans un rapprochement entre les Hauts-de-Seine et les Yvelines, comme si cela relevait de la plus pure rationalité de nous tourner vers l’ouest – alors qu’il s’agit simplement d’un coup politique.

Cela ne trompe personne, et d’ailleurs la presse analyse abondamment la manœuvre, leurs formules vont de « pierre dans le jardin de la MGP » à « bras d’honneur fait à la MGP », et pour ne citer là que de grands titres…

Soyons transparents, au lieu de cacher une décision institutionnelle d’une telle ampleur derrière tant de paravents qui ne sont pas sincères.

Bien sûr que les Hauts-de-Seine ont des enjeux communs avec les Yvelines. Mais comme avec tous les départements limitrophes ! L’enjeu de cette fusion n’est pas dans les coopérations, qui sont nécessaires mais que nous réalisons déjà, nous le savons bien.

Le débat sur ce budget – encore minime à hauteur des budgets de nos deux départements, mais hautement symbolique – nous donne l’occasion de revenir sur les réelles motivations, que nos concitoyens doivent comprendre.

Disons-le, c’est une guerre d’influence, de territoires et d’égos, une stratégie de conquête du pouvoir, qui se joue là au mépris de toute démocratie.

Alors revenons sur le fond, posons les enjeux.

Nos concitoyens savent bien que l’espace métropolitain est une réalité indéniable, ils la vivent au quotidien : dans leurs déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail, mais aussi pour se rendre dans les lieux de loisirs, de culture, de consommation, pour voir leur famille, situés un peu partout dans Paris et dans l’ensemble des départements alentour.

Expliquons à nos concitoyens qu’il faut évidemment des coopérations à cette échelle, et que la MGP peut porter un certain nombre de sujets, permettre aussi un rééquilibrage entre les territoires, par exemple sur le logement.

Alors bien sûr, aucune institution ne peut prétendre porter seule cet espace. Expliquons que la MGP offre des opportunités mais pose un certain nombre de questions, mettons tout cela sur la table, et ayons un véritable débat citoyen, transparent, sur les institutions et leurs enjeux.

Une des ramifications de ce débat devrait être le sujet que vous évitez soigneusement : alors que les problématiques sont, clairement, métropolitaines : au-delà du coup politique, marier les Hauts de Seine avec les Yvelines, cela a-t-il un sens ?

Avant de tout embarquer dans l’EPI, a-t-on seulement pris le temps de ce débat ?

Dispose-t-on d’études d’impact, d’évaluations des bénéfices à en attendre tant pour les Yvelinois que pour les alto-séquanais ?

Monsieur le Président, pourquoi refuser de poser le débat sur les institutions et les besoins des populations, clairement, réellement, sans prendre ni les élus ni les citoyens pour des ignares ?

Expliquons à nos concitoyens la vérité de ce qui nous réunit aujourd’hui. Vous récusez la MGP depuis son origine, soit. Face à cela, vous vous entendez en douce, entre deux amis politiques, pour faire échouer le projet. Vous avez donc imaginé ceci : un véritable contre-pouvoir capable de concurrencer la MGP.

En fusionnant les deux départements, la nouvelle entité aura un budget de 3,5 Milliards, et Citallios doit à vos yeux rivaliser avec Grand Paris Aménagement…. On comprend bien que les besoins des populations, l’efficience des politiques rendues, n’entre pas dans le débat.

D’ailleurs, cette fusion, il n’en avait jamais été question durant la campagne de mars 2015, c’est dire comme le projet avait été muri !

Le débat citoyen n’a pas été votre préoccupation, et vous n’imaginiez pas, j’imagine, qu’une contestation pourrait venir de vos propres rangs.

Peu importe, comme importe d’ailleurs aussi peu l’aval des citoyens : vous y allez, et le plus vite possible. Vous n’hésitez pas à entraîner deux institutions, deux administrations, presque 10.000 salariés[1], dans la barque de votre coup politique.

Pensez-vous que c’est en morcelant le territoire avec une nouvelle institution-mastodonte, en s’engageant dans une guerre d’influence entre la MGP et le super-département Yvelines-Hauts-de-Seine, que vous allez répondre aux enjeux de la métropolisation ?

Aux enjeux des habitants qui ont besoin que les transports, la culture, le développement économique, soit aussi débattus à une échelle large, qui correspond à celle de leur vie quotidienne ?

Vous allez vous embarquer, vous êtes en train d’embarquer près de 3 millions de citoyens dans une forme qui ne répondra absolument pas aux enjeux. Ou plus exactement, qui ne répondra pas aux enjeux des citoyens, mais seulement à vos enjeux personnels, qui sont ceux du pouvoir et de la guerre d’influence.

C’est à partir de cela que vous bâtissez des alliances de circonstance entre amis politiques, à partir de cela que vous allez faire découler une décision institutionnelle majeure. Pour nous, la démarche n’est pas acceptable. Nous continuons, pour notre part, à réclamer un véritable débat contradictoire, avantages / inconvénients.

Les arguments que vous nous citez, deci-delà, pour essayer de justifier votre coup de force, sont tout sauf probants.

Vous citez abondamment le prolongement EOLE ou le T6 pour illustrer la convergence des deux départements. Mais justement, EOLE prouve bien une chose : nous sommes capables de coopérer sans changer les institutions, puisque nous avons été capables de voter ces chantiers !

Comme nous sommes capables de coopérer avec Paris, le Val d’Oise, etc., sans pour autant fusionner avec ces départements !

Vous citez le développement autour de la vallée de la Seine, mais là aussi, en quoi cela nécessite-t-il une fusion des départements ? Le développement économique de notre département a aussi beaucoup à voir avec d’autres pôles, et nous ne fusionnons pas pour autant !

Vous citez enfin le partage des compétences entre nos deux administrations, la diffusion de bonnes pratiques, il y a de quoi rire un peu… Et la manifestation des syndicats est là pour en attester.

Vous nous expliquez que les services d’exploitation et d’entretien des routes du 92 vont pouvoir apprendre des collègues du 78 mille choses sur le fauchage en secteur rural, tandis que les collègues du 78 s’enrichiront de notre expertise dans le domaine de la gestion des feux tricolores…

Avouez d’une part que le bénéfice incomparable pour les habitants ne saute pas aux yeux, et d’autre part que s’il y avait nécessité de partager ces savoir-faire, nul besoin non plus une fusion !

Sur la stratégie de développement touristique, autre exemple, puisque vous nous présentez aujourd’hui un rapport sur cela, quel sens a une réflexion Yvelines Hauts-de-Seine ? La promotion touristique, c’est à l’échelle de la métropole, et même de la région, qu’elle a un sens, mais là… ça n’en a aucun.

Et voilà comment, pour habiller un peu cette fusion, puisque la logique et l’intérêt des deux territoires ne saute pas aux yeux, vous allez devoir nous démontrer, à toute force, qu’il y aura bien un intérêt évident, à savoir votre mot-clé : des économies.

Donc moins de dépenses publiques. Monsieur Bédier a fait maintes déclarations reprises par la presse pour indiquer que la justification, c’est que les habitants des deux départements paient moins d’impôts.

Alors pour étoffer votre argument de secours, devenu évidemment argument officiel, celui des économies, nous avons bien compris comment vous allez procéder : supprimer des postes.

Autrement dit, rogner non pas sur les structures, mais trancher carrément dans le service aux habitants. Evidemment, puisque c’est par là que vous légitimez votre coup politique.

Les économies de structure, cet argument-là pourrait faire l’unanimité : conserver le même service aux citoyens, faire pareil pour moins cher, ce serait opportun. Sauf qu’on ne voit pas bien, à travers les politiques déjà transférées à l’EPI, où elles se trouvent, ces fameuses économies de structures.

Mais on ne demande qu’à avoir des éclairages… vous nous disiez qu’en mutualisant certaines commandes, appels d’offres ou marchés, nous ferions des économies d’échelle, où sont-elles, dans ce budget que vous nous proposez ?

N’allez-vous par exemple, pour la voirie, attribuer un marché répartit en trois lots, un lot Hauts-de-Seine, un lot Yvelines urbain, et un lot Yvelines rural. Allez-vous confier cela à trois entreprises différentes ?

Dans ce cas, pouvez-vous nous expliquer où sont les mutualisations ? Et les économies ?

Si chacun continue à faire ses appels d’offres, que nous regroupons seulement sous un chapeau commun ?

Cela illustre simplement la ruade à marche forcée, sans réflexion réelle sur les convergences, la fusion de façade… On pourrait aussi parler du service d’adoption, dont chaque équipe départementale conserve la signature de ses actes…

Faut-il rappeler que vous nous annonciez, il y a encore quelques mois, que la mutualisation des services passerait d’abord par des bureaux d’études et des appels d’offres communs, sans affecter les conditions de travail des personnels ?

Eh bien c’est raté ! Même dans vos rangs, des voix s’élèvent pour contester la réalité des économies annoncées, vous le savez[2].

Evidemment, la fusion affecte déjà, et affectera les personnels, donc la qualité des services rendus et les conditions de travail, puisque c’est là que vous trouverez la justification de votre opération. On le voit déjà, simplement avec les trois exemples déjà transférés à l’EPI.

Au service archéologique, trois postes ont été supprimés lors de la mise en place du service interdépartemental. Au service adoption, la CGT distribue ce jour un tract qui indique que les 4 Equivalent Temps pleins de psychologues sont devenus 2,3 ; et que les 11 travailleurs sociaux sont passés à 7 et seulement deux recrutements nouveaux.

Des travailleurs sociaux en moins, elles sont là vos économies ? Allez-vous nous dire qu’il s’agit là de saine rationalisation, qu’ils peuvent faire à 7 ce qu’ils faisaient à 11, sans perte de service pour les habitants ? Parce qu’avant, ils étaient trop nombreux peut-être ? Allons…

Evidemment, si vous supprimez du service public, des postes de travailleurs sociaux notamment, vous allez les faire vos économies. Sur le dos du personnel. Mais encore une fois, en quoi cela démontre-t-il la logique imparable d’une fusion avec les Yvelines ? Les économies de ce type vous les faites déjà à la seule échelle des Hauts de Seine, vous n’avez pas attendu de fusionner pour cela…

Et au-delà des suppressions de poste, il faut parler aussi des conditions de travail de ceux qui restent. Le régime de travail des agents des deux départements est très différent. Nous demandons évidemment à ce que leurs conditions sociales soient harmonisées par le haut. Vous ne pouvez pas faire d’économie sur le dos des statuts et des compétences.

Il faut continuer d’expliquer votre logique. Donner à nos concitoyens toute la vérité sur cette fusion en cours.

Ce qui vous effraie, aussi, c’est le sujet de la solidarité entre les territoires, à l’échelle de la métropole. La MGP n’aura de sens que si l’on joue vraiment la carte de la solidarité entre les territoires, si cela permet de donner plus d’homogénéité entre eux : entre le pôle Paris et sa périphérie, mais aussi, dans la périphérie, entre territoires riches et pauvres.

C’est là une autre des raisons qui vous a conduit à jouer votre propre partition… Tourner le dos à l’est, au nord parisien, faire le choix de se tourner vers les Yvelines, c’est faire le choix d’un département dont le revenu médian est très proche de celui des Hauts-de-Seine, et évidemment bien plus élevé que celui de la Seine Saint Denis ou du Val d’Oise…

Voilà pour les solidarités : entre deux départements où il fait bon vivre, c’est plus facile d’être solidaire qu’avec des territoires qui connaissent nettement plus de difficultés.

Vous vouliez faire un bras d’honneur à la MGP, et vous voilà à fusionner à la hâte deux départements. Tout cela n’est pas sérieux. Ni respectueux des mandats qui nous sont confiés. C’est, clairement, se moquer complétement des citoyens, et des personnels en particulier.

Nous demandons à ce que tous les futurs projets de l’EPI soient mis en pause, le temps de porter un réel débat citoyen, ouvert et sans a priori. Sur un sujet d’une telle importance, les citoyens des deux départements doivent pouvoir se prononcer par un vote.

Nous ne sommes pas contre des rapprochements, s’il nous est démontré l’intérêt concret et la qualité du service qui en découlera, et avec des logiques d’expérimentation et des bilans objectifs. Mais nous sommes contre ces rapprochements, qui ne sont pas argumentés, et qui augurent clairement une fusion complète.

Nous ne pouvons avaliser ce processus en cours, né de la seule stratégie de conquête du pouvoir de quelques amis politiques.

Nous ne pouvons évidemment pas voter le budget que vous nous proposez.

Nous allons continuer à alerter sur l’opacité et l’illégitimité de cette fusion, et à défaut d’être entendus, à interpeller sur le statut, les conditions de travail, le nombre de postes, des agents départementaux impactés par cette fusion.

[1] 6000 fonctionnaires dans les Hauts-de-Seine et 3800 dans les Yvelines.
[2] Référence à un élu des Yvelines : « Philippe Brillault (LR), vient de quitter le groupe majoritaire – sans entrer pour autant dans l’opposition – au prétexte qu’il a « élu pour président Pierre Bédier et non pas Patrick Devedjian » et qu’il conteste la réalité des économies annoncées. »