Monsieur le Président, Cher-e-s Collègues,

Le Comité Régional de l’Habitat et de l’Hébergement a validé son Schéma Régional de l’Habitat et de l’Hébergement en date du 18 octobre dernier. Désormais, les collectivités concernées doivent donner leur avis sur ce document, au regard des politiques qu’elles portent et de leur connaissance du territoire. Vous proposez que le Conseil départemental émette un avis défavorable que vous justifiez par sept arguments principaux.

Tout d’abord, nous pouvons dire que ce projet de S.R.H.H. a déjà le mérite d’exister. Nous avons besoin, sur le territoire francilien, d’orientations claires pour l’Habitat et l’Hébergement. Je crois qu’il s’agit d’un des enjeux majeurs dans notre Région qui, alors qu’elle est la plus riche de France, compte plus d’un million de personnes mal-logées. 250 000 n’ont pas de domicile personnel et près de 70 000 sont à la rue, en chambre d’hôtel ou en habitation de fortune. Ces chiffres, nous devons les avoir constamment en tête pour réfléchir notre action politique.

Ce schéma régional se donne pour ambition de fixer les grandes orientations d’une politique de l’hébergement et de l’accès au logement.

Je veux en premier lieu souligner un point qui, comme vous, nous interroge. Vous expliquez que la densification de Paris et de sa proche banlieue ne peut être sans limite. L’hypertrophie de la zone centrale parisienne produit – vous le dites très justement – des externalités négatives majeures. Les réseaux de transport sont pour la plupart saturés, le marché de l’immobilier a explosé, les phénomènes de pollution sont de plus en plus fréquents et de plus en plus importants.

Aussi, il est temps de réfléchir l’aménagement de notre territoire à une échelle nationale qui intègre la nécessite de mieux répartir l’activité dans l’ensemble du pays. Les campagnes souffrent de désertification quand les grandes métropoles souffrent de surdensification.

En revanche, nous ne sommes pas d’accord avec le reste de votre analyse. Votre second regret est l’absence de reconnaissance par le SRHH du rôle essentiel de la Commune et du Maire.

Vous dites, je cite, que c’est « au plus près du terrain que l’on appréhende le mieux l’offre de services publics locaux à mettre en place ». Je regrette que vos arguments s’inversent lorsqu’il s’agit d’autres pans de l’action politique, je pense par exemple au Fonds de Solidarité pour le Logement sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer. Mais passons.

Si je partage votre position sur la nécessité de prendre en compte l’avis des Maires et des élus locaux, je ne crois pas qu’il faille s’en remettre uniquement à cette échelle décisionnelle. Dans un bassin de vie aussi dense que le nôtre, les politiques de l’Hébergement et du Logement doivent être pensées à l’échelle de la Région si l’on souhaite réduire les inégalités et harmoniser le développement des territoires. C’est essentiel pour lutter contre la ghettoisation et la gentrification à outrance de certaines zones.

Dans notre département, 21 communes sur 36 ne respectent pas le taux minimum de 25% de logements sociaux inscrit dans la loi SRU. Pour rattraper ce retard, des objectifs de production leur ont été fixés. Au total, 3921 logements sociaux devaient être produits dans les Hauts-de-Seine l’an dernier dont 926 en PLAI, 2135 en PLUS et 860 en PLS.

En réalité, seuls 2070 logements ont été agréés dont à peine 1700 en construction neuve. Les typologies de financement montrent que seul l’objectif en PLS a été atteint, et qu’il a même été largement dépassé : 1005 logements agréés alors que seuls 860 étaient demandés. Quand autres deux autres typologies, celles réservées aux classes populaires et moyennes, le département des Hauts-de-Seine fait pâle figure et il est encore loin d’être à la hauteur.

Le CRHH demande donc un effort de rattrapage et de rééquilibrage régional auquel nous appelons également. Mais il n’est pas question d’y parvenir brutalement et subitement comme vous le laisser entendre ! Il s’agit d’un effort mesuré et raisonnable tout à fait atteignable pour peu que nous en partagions les objectifs.

Vous regrettez par ailleurs l’absence de priorisation des mesures proposées dans ce schéma régional. À ce titre, vous citez l’injonction à développer tout à la fois le parc de logement intermédiaire, les produits d’accession à la propriété, le parc de logement social et les capacités d’hébergement sans prendre en compte, je vous cite : « la question de la concurrence entre produits ».

Cet argument ne me paraît pas pertinent. Partout dans le département, des programmes de construction voient le jour en mêlant différents types d’habitat ! Cela permet d’ailleurs de faciliter l’équilibre budgétaire des opérations, en plus de répondre à la diversité des besoins et des situations de celles et ceux qui cherchent un logement. Je profite pour rappeler ici que le droit au logement est un droit constitutionnel.

 Par ailleurs, vous expliquez qu’il est impossible d’encourager l’investissement locatif tout en généralisant l’encadrement légal des loyers. Aucune relation de cause à effet allant dans votre sens n’a jamais été démontrée. Croyez-vous vraiment que l’ont ait du mal à trouver des investisseurs à Paris et dans les départements limitrophes ? Toutes les études démontrent le contraire.

Vous estimez en outre que le foncier manque pour atteindre les objectifs fixés par le SRHH en termes de constructions de logements. Ces objectifs seraient ainsi, je cite, « trop ambitieux par rapport aux capacités du département ». Si le foncier manque, pourquoi vous apprêtez-vous alors à vendre au groupe Vinci un vaste terrain constructible situé à Meudon sur lequel sera construit un hôtel 4 étoiles, des bureaux et des commerces pour une surface de plancher de plus de 6500 m² ?

C’est plus d’une centaine de logements qui auraient pu être construits ici à la place de ce projet qui ne profitera pas, nous l’avons bien compris, aux Altoséquanais des classes moyennes.

En outre, le foncier manque et le marché de l’immobilier s’est envolé du fait de la spéculation immobilière. Il en va donc de notre responsabilité de lutter contre ce fléau si nous voulons lutter contre le mal-logement et l’exclusion d’une partie de la population de la métropole parisienne.

Je remarque ensuite, dans le paragraphe 2.4., que vous êtes attentif à ce que le développement du parc de logements sociaux réponde à des critères de qualité et de bonne insertion urbaine dans une démarche favorisant la mixité sociale. Nous nous félicitons de votre attachement à la qualité du parc locatif social. Aussi, nous espérons pouvoir compter sur votre soutien lorsqu’il s’agira de renouveler la part de ce parc présente par exemple dans des villes telles que Gennevilliers, Nanterre, Châtenay ou Bagneux.

Dans ces situations de vétusteté trop importante du bâti, nous sommes parfois amenés à démolir des immeubles. Or si l’on veut ensuite réintroduire de la mixité sociale, les programmes de reconstruction doivent être mixtes. Il serait insensé de ne reconstruire que du logement privé et d’exclure de fait l’ensemble des ménages qui habitaient précédemment sur site. Nous renverrions alors l’image d’une ville à deux vitesses dont le développement ne profite pas à ses propres habitants.

Je veux maintenant aborder la question de la vente de logements sociaux à leurs occupants. Je ne crois pas que ce soit le meilleur levier d’action pour répondre aux enjeux dont il est ici question. En période de forte pénurie – je rappelle qu’il y a plus de 600 000 demandeurs de logement en Île-de-France –, il ne serait pas pertinent de se couper d’une partie de notre parc locatif social.

De plus, ces logements ont été construits avec des fonds publics. Ils ne peuvent donc, même en dernier ressort, servir des intérêts privés. Bien sûr, il est important que les locataires qui le désirent puisse accéder à la propriété. Mais cela doit se faire en priorité par la voie de l’accession sociale à la propriété et plusieurs dispositifs existent déjà en ce sens.

Enfin, je vous rejoins lorsque vous pointez le manque d’analyse quant aux moyens, notamment financiers, qui seront nécessaires à la mise en œuvre du SRHH. Vous allez même jusqu’à rappeler que le financement du logement social relève de la responsabilité de l’État. Je vous rejoins parfaitement là-dessus.

Mais je vous rappelle également que l’État n’a cessé de s’en désengager et ni les gouvernements socialistes du quinqennat Hollande, ni ceux de droite du quinquennat Sarkozy, n’ont souhaité inverser cette tendance, malgré les conséquences que cela implique et que nous connaissons aujourd’hui.

Je ne peux conclure sans aborder la question de l’Hébergement. Toutes les études le montrent : les besoins en places d’hébergement d’urgence ont explosé. Chaque jour, le 115 est saturé de demandes et se voit dans l’obligation de laisser dans la rue des milliers de personnes et y compris dans les Hauts-de-Seine. Cette situation est insupportable d’autant que nous sommes ici dans le deuxième département le plus riche de France, elle-même cinquième puissance économique du monde.

Le dernier rapport de la Direction Régional et Interdépartementale de l’Hébergement et du Logement pointe les faiblesses de nombre de nos villes sur ce sujet. Plusieurs d’entre elles n’ont pas la moindre place d’hébergement d’urgence sur leur territoire. Plus que jamais, nous devons participer à un effort national de solidarité car il est ici question non seulement de dignité humaine mais de respect des droits fondamentaux des personnes, adultes et enfants je le rappelle.

Vous l’aurez compris, notre groupe ne vous suivra pas sur cet avis défavorable car nous ne partageons pas les arguments qui sont les vôtres.

 Je vous remercie.