Patrick Jarry a interrogé le Préfet sur l’accueil des réfugiés et l’inégale répartition des efforts entre les différentes communes du département. Sur les 800 places d’accueil supplémentaires ouvertes depuis 2014, 60% se situent dans des communes qui présentent déjà des difficultés sociales et 40% rien qu’à Nanterre. De nombreuses communes ne participent pas à cet effort de solidarité et tournent ainsi le dos à l’accueil de ces personnes qui fuient les guerres et les persécutions.

Retrouvez ci-dessous le texte de son intervention.

Monsieur le Préfet,

Nous vous remercions pour votre présence et le temps que vous voulez bien nous accorder pour répondre à nos questions.

C’est d’autant plus important pour nous que sur le sujet que je vais développer, aucune réponse satisfaisante ne nous a encore été apportée, et cela malgré nos multiples interventions, jusqu’auprès du Ministre de l’Intérieur.

Face à l’exigence imposée par une situation politique aux conséquences humanitaires et sociales dramatiques, se donner les moyens d’accueillir, dans des conditions justes et dignes, les réfugiés qui fuient les guerres et les persécutions de leurs pays, est de la responsabilité de tous et appelle à une gestion concertée, un équilibre et une solidarité entre les territoires.

Conformément à la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile instaurant le Guichet Unique de la Demande d’Asile, les Plates-formes d’Accueil des Demandeurs d’Asile – PADA – sont devenues l’étape inconditionnelle préalable à toute démarche en vue de demander l’asile en France.

Le premier accueil n’est donc désormais plus assuré par l’Etat, mais par des prestataires choisis par l’Office français pour l’immigration et l’intégration, au terme d’une procédure de mise en concurrence.

L’association  COALIA, implantée à Nanterre, assurait auparavant ce premier accueil. Mais face à l’ampleur de la situation, elle s’était retrouvée très vite débordée, ce dont nous nous étions vivement inquiétés en décembre dans un courrier à votre attention, Monsieur le Préfet. Par ce courrier, nous demandions que les conditions d’un bon accueil des réfugiés soient garanties par une préparation suffisante, une concertation réelle entre les acteurs et une répartition équilibrée des efforts sur l’ensemble du territoire.

Las. C’est sans aucun dialogue ni information préalables, et en sous-évaluant le flux de demandeurs d’asile pour les Hauts-de-Seine en 2016, que moins d’un mois plus tard, la FACEM, encore située à Nanterre, a été désignée par les services de l’Etat comme prestataire pour assurer ce premier accueil.

Ce sont ainsi près de 2000 personnes qui ont, via cette structure, une adresse de domiciliation à Nanterre, alors qu’elle est déjà la deuxième ville du département comptant la plus grande part de domiciliations de personnes en difficulté sur le département.

C’est encore sur notre territoire et les services publics qui s’y trouvent – écoles, PLIE, Mission locale, CCAS, Espace Insertion, que rejaillissent les besoins, par ailleurs légitimes, des demandeurs d’asile. Sans que nous ayons les moyens d’y répondre !

L’absence de concertation et d’articulation entre les acteurs, le manque flagrant de justice et d’équilibre dans la répartition des primo-arrivants sur le département, une gestion incohérente de la domiciliation, conduisent à des situations dramatiques et kafkaïennes. Les demandeurs d’asile, comme les personnels en charge de leur accueil et de leur suivi, se retrouvent alors plongés dans une détresse et une impuissance insupportables.

Nous avons ainsi appris que parce que la FACEM n’était pas une structure habilitée par le Département, les demandeurs d’asile ayant obtenu leur statut de réfugiés ne pouvaient plus se prévaloir de leur domiciliation par cet organisme pour demander l’ouverture de leurs droits au RSA ! Où est la cohérence ?

Des dizaines de demandes instruites par l’Espace Insertion sont bloquées à la CAF et l’Espace Insertion et ses personnels doivent, seuls, gérer des situations extrêmement complexes, d’incompréhension et de désespoir, auxquelles ils ne sont pas préparés et n’ont pas les moyens de répondre. Face à cette situation, que prévoit le Conseil départemental ?

Et va-t-il enfin procéder à un rééquilibrage de sa participation aux EI qui soit plus favorable aux villes les plus populaires qui accueillent le plus de demandeurs du RSA et dont la part de prise en charge, directe et indirecte, de ces structures est en augmentation constante ? C’est une question de responsabilité, de justice et de solidarité.

Alors que le CCAS de Nanterre est, après Asnières et juste devant Gennevilliers, le deuxième à réaliser le plus de domiciliations ; alors que notre territoire accueille 40 % des places CADA du territoire ; alors que l’été dernier, sans aucune concertation avec la Ville, une centaine de migrants expulsés de leur campement situé Porte de la Chapelle avaient été accueillis en urgence au CASH de Nanterre, dans un quartier composé à près de 80% de logements sociaux et faisant l’objet d’un programme de renouvellement urbain et social, nous venons aussi d’apprendre qu’une nouvelle structure accueillant des réfugiés vient d’ouvrir dans un autre de nos quartiers reconnus prioritaires au titre de la politique de la Ville, un quartier qui compte déjà 70% de logements sociaux !

Nous en appelons, Monsieur le Préfet, à une révision complète des pratiques aujourd’hui à l’œuvre.

Nous demandons qu’enfin soit élaboré un véritable plan d’accueil des réfugiés à l’échelle de la Métropole ou de la Région, qui permette de les accueillir dans des conditions dignes d’un pays comme le nôtre.

Il est temps d’en finir avec ces pratiques où les personnes en difficulté sont installées sur un territoire, sans que la commune concernée en soit même informée, et sans que l’on se soucie de sa capacité à les accueillir dans de bonnes conditions.

Il est temps que toutes les villes participent à l’effort nécessaire de solidarité, et que celui-ci cesse de peser toujours sur les mêmes quartiers populaires des mêmes communes – Nanterre, Gennevilliers, Asnières, Colombes… -, pendant que d’autres, trop nombreuses, continuent, sans en être inquiétées, à tourner le dos à l’accueil des personnes les plus fragiles.

Il est temps d’en finir avec cette posture hypocrite qui consiste, au nom d’une lutte contre les ghettos urbains, à refuser de subventionner la construction de logements sociaux dans les quartiers populaires en faisant tout, dans le même temps, pour que les populations les plus fragiles s’y concentrent.

Il est temps d’en finir avec ces pratiques qui maintiennent et creusent la ségrégation et les inégalités territoriales.

Je vous remercie.