Le compte administratif 2015 laisse apparaître un excédent budget de 236 millions d’euros. Cet argent, voué à être utilisé en 2016, pourrait servir à améliorer le quotidien des Altoséquanais et à réduire les inégalités.
La majorité de droite en a décidé autrement : la quasi totalité de cette somme servira uniquement à réduire l’emprûnt pour de grands investissements.
Notre groupe, défendant d’autres politiques et souhaitant œuvrer pour l’intérêt général des populations de notre département, a proposé un budget supplémentaire alternatif. Sur les 236 millions d’excédent de 2015, nous proposons d’en attribuer immédiatement 45 millions pour des mesures concrètes de solidarité. La majorité de droite n’a pas souhaité y donner suite.
Retrouvez ci-dessous l’intervention orale de Patrick Jarry et ses propositions au nom de notre groupe.
Monsieur le Président, Chers collègues,
Les séances se suivent et malheureusement, se ressemblent. Notre Groupe dénonce le décalage permanent, et qui se renforce sans cesse, entre la politique de la majorité départementale et ce que l’on attend légitimement du Département des Hauts-de-Seine, au regard non seulement des missions qui sont les siennes, mais aussi de ses moyens financiers.
Suppression d’actions et de dispositifs (dont le dernier est Parcs Courons !), écrêtement des budgets dans tous les secteurs, diminution drastique des subventions au secteur associatif, au profit d’une augmentation toujours plus grande de la couverture de l’investissement et d’une réduction de l’emprunt : le Département thésaurise, détricote tout ce qui est innovant, utile et solidaire et continue de creuser les inégalités en organisant méthodiquement la ségrégation socio-spatiale.
Le travail d’observation attentif mené par le Secours catholique-Caritas France, qui dispose d’un réseau de plus de 9 000 bénévoles en Ile-de-France, fait un constat sans appel : cette région, qui concentre 12 M d’habitant et 31% de la richesse nationale, est aussi la plus inégalitaire, avec un écart entre le revenu médian disponible par ménage de Seine-Saint-Denis et celui des Hauts-de-Seine de plus de 50 %.
Entre les départements et à l’intérieur des départements, les disparités – et cela vaut pour les niveaux de revenus, le logement, l’éducation, la santé, etc. – se renforcent sans cesse.
Seuls des choix politiques peuvent résorber les fractures territoriales. Et c’est bien cela que le Département des Hauts-de-Seine, qui a amplement les moyens de maintenir et développer des actions fortes en faveur de l’accès de tous à des services publics de qualité, en faveur d’une amélioration de la vie des alto-séquanais les plus fragiles, en faveur de la mobilité, de l’autonomie, de la santé, de l’emploi, de l’éducation, de la culture, du sport, refuse de faire.
Le montant de l’excédent dégagé par le Département est chaque année plus important que l’année précédente. De 82 M€ l’an dernier, il est aujourd’hui triplé et atteint le niveau exceptionnel de 236 M€ !
Et la majorité départementale décide de consacrer quasi-exclusivement cet excédent à la couverture de l’investissement – à hauteur de 209 M€, c’est considérable – et à la diminution de l’autorisation d’emprunt.
Le Département inscrit 22 M€ sur la ligne « Dépenses imprévues » ? Avouons qu’à ce stade de l’année, c’est énorme et inutile, d’autant qu’en 2014 et 2015, il n’y a eu aucune dépense imprévue.
Même en étant raisonnable, les moyens financiers dont dispose le Département lui permettraient de prendre des initiatives utiles.
Notre Groupe demande que soient prises en compte les propositions suivantes.
Nous demandons qu’il soit consacré 1 M€ au gel des tarifs de la restauration scolaire et à la révision de la tarification sociale pour les familles les plus modestes, afin de diminuer le reste à charge des ménages, de rendre plus équitables les tarifs pratiqués en lien avec les revenus du foyer et de favoriser la fréquentation des cantines par un nombre croissant d’élèves.
Cette mesure forte améliorera les conditions de vie des habitants dès aujourd’hui.
Nous appelons donc à ce que la majorité fasse cet effort, tant les conséquences d’une hausse des tarifs non seulement sont injustes.
Nous demandons que, pour 10 M€, le Département rétablisse le co-financement de la Carte Imagin’R aux élèves boursiers, et qu’il l’étende à tous les collégiens, lycéens, étudiants et apprentis du département des Hauts-de-Seine.
C’est là une mesure pour toute la jeunesse que la majorité départementale peut prendre : elle est financièrement soutenable et ce serait un message fort que le Département enverrait à sa jeunesse.
Sur de tels enjeux, et avec la marge de manœuvre financière dont il dispose, il n’est pas acceptable que le Département, pour faire des économies, se retranche derrière la suppression de la clause de compétence générale, comme il l’a fait il y a quelques mois pour légitimer sa décision de ne plus aider les jeunes boursiers à financer leur carte Imagin’R.
C’est avoir une vision bien restrictive de son rôle et de ses missions, c’est oublier sciemment la dimension sociale des transports et de la mobilité, c’est refuser, encore, de contribuer à une meilleure justice sociale en permettant au plus grand nombre de se déplacer librement sur un territoire élargi, dans le cadre d’une mobilité quotidienne – pour se rendre à l’école, sur son lieu de travail -, d’une mobilité de loisirs, ou d’une mobilité de tourisme.
Depuis très longtemps, notre Groupe demandait à la majorité départementale d’élever le plafond à partir duquel les habitants âgés pouvaient être éligibles à Améthyste. Nous constations en effet que nombres d’entre eux s’en trouvaient exclus, souvent pour quelques euros à peine.
Faciliter les déplacements des personnes âgées est en effet essentiel pour favoriser le maintien de leur autonomie et la conservation d’activités et de liens sociaux dont l’affaiblissement, nous l’avons déjà dit à de multiples reprises, peut rapidement conduire à l’isolement.
Si la majorité, en fin d’année dernière, a bien procédé à un relèvement de ces plafonds, nous nous sommes vite rendu compte que les nouvelles modalités mises en place consistaient en un relèvement du tarif annuel de la carte en le faisant passer de 15€ à 25€ pour les seniors non imposables, et de 35€ à 50€ pour les seniors imposables éligibles.
A l’occasion de l’étude du BP pour 2016, nous avions bien constaté que le financement alloué au dispositif Améthyste baissait, mettant en lumière le mécanisme astucieux et terriblement cynique mis en place par le Département pour faire, encore des économies : faire financer l’entrée dans le dispositif de nouveaux bénéficiaires par les bénéficiaires eux-mêmes !
Nous demandons un Pass Navigo-Améthyste à 35 euros pour tous les retraités imposables, une mesure que nous estimons à 25 M€. Le Département du Val-de-Marne vient de décider de la faire. Le Département des Hauts-de-Seine doit le faire également.
Notre Groupe demande que l’enveloppe consacrée aux actions d’accompagnement social et professionnel des bénéficiaires du RSA soit portée à 15 M€.
L’accès à l’emploi du plus grand nombre doit être une priorité partagée. Beaucoup de villes, dont ce n’est pourtant pas une compétence, prennent à bras le corps cette question et mettent en œuvre des politiques volontaristes – par les clauses d’insertion ou le financement, comme c’est le cas à Nanterre, d’une Maison de l’Emploi et de la Formation – en faveur de l’emploi et de l’insertion.
Le Conseil départemental, chef de fil des politiques sociales, doit se saisir pleinement de ce sujet majeur.
Or, alors même que volontarisme, créativité et innovation devraient le guider, c’est là encore le désengagement et la démission que nous constatons, avec des financements insuffisants en faveur des actions d’accompagnement et d’aide à l’insertion, du soutien à l’insertion par l’activité économique et des actions de remobilisation, de formation et d’accompagnement à l’insertion professionnelle. En 2015, ce sont même 2,8 M€ de moins qui ont été consacrés, par rapport à 2014, à l’aide au retour à l’emploi, dont 1 M€ de moins pour les actions d’accompagnement et de formation des allocataires du RSA.
Un tissu associatif fort, diversifié, dynamique, irriguant l’ensemble du territoire constitue une richesse qu’il faut préserver, accompagner et soutenir.
Nous l’avions déjà exprimé et nous le redisons ici : en agissant dans les secteurs du sport, de la culture, des loisirs, de la santé, de l’enseignement, partout, auprès de publics de tous âges, de toutes origines, les associations sont un terreau pour le vivre-ensemble, et un moteur économique pour le département.
Nous nous inquiétons donc très vivement des objectifs visés par l’ensemble des décisions de la majorité départementale, qui d’année en année, supprime des subventions, redéfinit à l’envi et de manière opaque les critères d’éligibilité de ces structures aux financements départementaux.
L’image qui se dessine devant nous est un paysage associatif, culturel et sportif uniforme et monochrome, vidé de la liberté de création, d’expression et d’action portée par les acteurs de nos villes et de nos quartiers ancrés dans leur territoire, proches des habitants et guidés par leur envie de donner, d’ouvrir les yeux et les esprits, et de favoriser le partage et l’émancipation.
Grandes et petites, artistiques, sportives, d’éducation populaire, ou de diffusion de la culture scientifique et technique, toutes les structures ont leur place et leur rôle à jouer auprès des habitants et avec eux.
La plupart d’entre elles exercent des missions d’intérêt général. Il n’est ni juste, ni cohérent de considérer que parce que leur action est locale, elles ne rayonnent pas au-delà et ne sont pas « structurantes ».
Au contraire, elles sont essentielles, et plus que jamais en ces temps où la proximité et la cohésion sociale, elles doivent être soutenues pour faire barrage aux tentations de repli sur soi et de rejet de l’autre, qui menacent la vie en collectivité et les valeurs qui la fondent.
Notre Groupe demande donc que 2 M€ soient consacrés au rétablissement des subventions aux associations sportives et culturelles supprimées en 2016 et à la revalorisation des montants de subventions à toutes les associations.
Nos 5 propositions ne coûtent que 45 millions ! Cela représente moins de 20% de l’excédent dégagé !
Ces demandes de justice et d’équité entre les habitants, entre les territoires sont, au regard de finances départementales conséquentes, des gouttes d’eau. Mais leur impact en terme social, culturel, économique, humain sera considérable.
Notre Groupe votera contre le budget supplémentaire – de gestion, d’inégalité et de régression – qui nous est présenté.