Le compte administratif 2015 a été présenté à l’assemblée départementale lors de la séance publique du 17 juin 2016. L’excédent de 236 millions d’euros est un record : il est trois fois plus élevé qu’en 2014 et correspond à peu près au budget total d’une ville comme Nanterre.

Ces moyens, considérables, pourraient être mis à disposition des Altoséquanais et d’actions de solidarité. Mais la réduction des inégalités et l’amélioration du quotidien des familles du département ne semble pas être à l’ordre du jour des choix de la majorité. Nous le regrettons.

Patrick Jarry est intervenu sur ce rapport en dénonçant les choix qui sont faits et en proposant des alternatives à ces politiques austéritaires.

Retrouvez ci-dessous le texte de son intervention orale.

Monsieur le Président, Chers collègues,

Le compte administratif 2015 confirme et renforce ce que nous savons et dénonçons depuis le début de notre mandat : que le Département des Hauts-de-Seine a amplement les moyens d’œuvrer, par des mesures concrètes, en faveur d’un développement solidaire et durable du territoire et d’une réduction des inégalités et que par choix politique, il ne le fait pas.

Cela va bien au-delà de la prudence gestionnaire. La situation du Département des Hauts-de-Seine n’est pas celle de nombreux départements, ni de nombreuses communes, et tout particulièrement ceux qui accueillent les populations les plus précaires et qui peuvent, eux, légitimement parler, comme la majorité départementale le fait en préambule de ce rapport, d’une « situation difficilement soutenable ».

En Seine-Saint-Denis, où le nombre d’allocataires du RSA est très élevé – 98 340 personnes en décembre 2014 contre 40 830 dans les Hauts-de-Seine à la même période, soit 6 337 bénéficiaires pour 100 000 habitants contre 2 452 bénéficiaires pour 100 000 habitants sur notre territoire -, la part à financer par le Département, au titre du RSA, pèse d’autant plus lourd.

Avec un coût brut du RSA par habitant de 260 € dans le 93, contre 90 € dans le 92, ce sont les pauvres qui paient pour aider les plus pauvres.

Dans les départements qui accueillent les populations les plus précaires, l’effet de ciseaux provoqué par la concomitance de la baisse du taux de couverture, par l’Etat, des grandes allocations de solidarité, et de la hausse importante du nombre de leurs bénéficiaires, du RSA notamment, a un impact très important sur leurs finances et beaucoup se retrouvent aujourd’hui, c’est vrai, en grande difficultés.

Mais regardons les choses avec objectivité ! Le Département des Hauts-de-Seine a des moyens très importants, d’un niveau incomparable à celui de la plupart des autres territoires, auxquels il aime pourtant tellement à se comparer. Et la hausse de ses recettes compense largement la contraction des concours de l’Etat.

Regardons le montant de l’excédent cette année : 236 M€ ! C’est trois fois l’excédent du Compte administratif de l’an dernier, c’est l’équivalent du budget d’une ville comme Nanterre !

La majorité départementale va sans doute nous expliquer que cet excédent est une surprise, qu’il tient essentiellement à l’évolution des recettes de la DMTO, qui elles-mêmes relèvent d’une exceptionnelle et inattendue embellie du marché immobilier en 2015. Elle nous explique que ces recettes sont circonstancielles et volatiles, et que leur utilisation appelle donc à la plus grande prudence.

Mais on parle quand-même de 200 M€ de plus que prévu entre les prévisions et les recettes réelles !

C’est considérable !

Que fait la majorité départementale de cet excédent exceptionnel ? Elle décide, une fois encore, de le consacrer quasi exclusivement – à hauteur de 209 M€ ! – à la couverture de l’investissement et à la diminution de l’autorisation d’emprunt, qui de 262 M€ au BP 2016 passe à 51 M€.

Nous condamnons l’ampleur et l’usage que fait de ce mécanisme la majorité départementale qui décide, en conscience et malgré ses moyens, d’être sourde et aveugle aux besoins des habitants, des besoins concrets que nous constatons chaque jour sur nos territoires.

Il est inacceptable qu’en disposant d’une telle marge de manœuvre le Conseil départemental continue à infliger des coupes drastiques dans toutes les actions et tous les dispositifs de tous les secteurs : action sociale, aide et accompagnement au retour à l’emploi, éducation, transports, culture, sport, prévention et santé, secteur associatif…

Avec le Conseil départemental, c’est chaque année plus d’excédent et moins de solidarité, de diversité et de mixité.

Ma collègue Elsa Faucillon y reviendra en détails dans le rapport relatif à l’activité des services du Département en 2015, mais la comparaison des comptes administratifs de 2014 et 2015 est limpide.

Le budget global alloué au secteur de la Solidarité augmente légèrement, de 4,3 M€.

Nous ne vous félicitons pas, car vous n’y êtes pour rien. Cette légère évolution est le résultat, purement mécanique, de la revalorisation du montant du RSA et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires, qui passe de 40 246 à 40 835.

Mais puisque le budget total de la Solidarité augmente moins que le seul budget du RSA, c’est donc bien que parallèlement, des actions et des dispositifs essentiels ont vu leurs financements baisser.

Et cela, vous y êtes pour beaucoup, puisque c’est bien une conséquence directe de vos choix politiques.

Alors qu’ils sont primordiaux, de nombreux dispositifs sont donc considérés par le Département comme de simples variables d’ajustement. Ou comment faire des économies sur le dos des habitants les plus précaires :

  • C’est ainsi 2,8 M€ en moins qui ont été consacrés, entre 2014 et 2015, à l’aide au retour à l’emploi, dont 1 M€ en moins pour les actions d’accompagnement et de formation des allocataires du RSA qui, en 2015, n’étaient que 769 à en bénéficier contre 2 360 en 2014 !
  • En 2015, ce sont aussi 700 000 € de moins que l’année précédente qui ont été alloués aux Espaces Insertion du Département.

Ces résultats montrent bien que le Conseil départemental a les moyens d’assumer seul la responsabilité de ces Espaces Insertion, dont il continue d’obliger les communes à prendre en charge le 1/3 des dépenses. Et cela sachant que toutes les communes ne sont pas à égalité, puisque plus on a des personnes au RSA, plus on paye : c’est la solidarité à l’envers !

Le Département ne prend même pas en compte l’effet de la domiciliation administrative, qui gonfle artificiellement pour certaines communes – comme Nanterre – le nombre de bénéficiaires du RSA. Ce n’est pas rien : pour Nanterre, c’est près de 300 000 euros cette année !

Nous attendons que cette situation soit prise en compte et améliorée, tant pour les demandeurs que pour les personnels, et notamment par un rééquilibrage, enfin, de la participation du Conseil départemental aux Espaces Insertion des villes qui, comme Nanterre, accueillent le plus de demandeurs du RSA et dont la part de prise en charge, directe et indirecte, de ces structures est en augmentation constante ?

Notre Groupe l’a déjà dit et le répète à nouveau : c’est une question de responsabilité, de justice et de solidarité.

Ce n’est pas tout.

Le compte administratif fait également état de baisses très conséquentes dans de nombreuses actions dans le secteur de la Famille, de l’Enfance et de la Jeunesse et en direction de personnes très vulnérables (2,7 M€ en moins en faveur des actions éducatives ; 200 000 € en moins d’aides financières aux familles précaires ; disparition en 2015 du financement des TISF – techniciens de l’intervention sociale et familiale -, dont l’intervention auprès des familles qui en ont besoin, d’ordre social, psychologique et éducatif, peut constituer une aide et un acte de prévention majeurs ; 1 M€ de moins pour l’accueil des femmes enceintes et des mères isolées ; 2,2 M€ de moins en faveur des PMI…).

C’est flagrant : le Conseil départemental a mis en place un mécanisme systématique de vases communicants.

Dès qu’un budget est en hausse, souvent mécaniquement et par obligation légale, comme c’est le cas des allocations de solidarité, des dispositifs et des actions, pourtant importants et utiles, voient leurs financements baisser, quand ils ne sont pas purement et simplement supprimés.

Sans la vigilance de notre Groupe, c’est bien le sort que la majorité départementale réservait au Pass 92, en supprimant du BP, dans le silence, la ligne budgétaire consacrée à ce dispositif majeur, qui concerne pas moins de 45 000 collégiens et 1000 structures et associations culturelles, sportives et artistiques dans notre département.

C’est bien le sort que la majorité départementale a réservé à la prise en charge, pour moitié, du coût de la carte Imagin’R pour les élèves boursiers. Et au fond, on ajoutera la méthode, inadmissible et pourtant récurrente, consistant à faire les choses en huis clos, sans information préalable et sans débat démocratique.

Et que dire de l’augmentation des tarifs de la carte Améthyste l’an dernier et maintenant et de la hausse de 7 % de tous les tarifs, y compris sociaux, de la restauration scolaire aujourd’hui ?

C’est une décision lourde de conséquences. L’alimentation des enfants et des adolescents est essentielle à leur croissance, à leur développement psychomoteur, à leurs capacités d’apprentissage.

La proportion des élèves ne déjeunant pas à la cantine scolaire dépasse déjà 60 % dans les zones urbaines sensibles des Hauts-de-Seine. Comment, alors que dans un contexte de précarisation de nombreuses familles, le repas du midi servi en cantine représente, pour certains enfants, le seul repas complet et équilibré de toute la journée, la majorité départementale peut-elle sans rougir prendre une telle décision ?

La restauration scolaire doit constituer un droit sans aucune condition restrictive.

Verser 80 K€ de dotations initiales à l’EPCI Yvelines-Hauts-de-Seine en revanche, cela, la majorité départementale le fait sans aucune hésitation.

Les chiffres et les actions parlent d’eux-mêmes.

Le discours du Conseil départemental n’est pas sincère et sa politique, qui maintient et renforce les inégalités territoriales, est volontairement excluante.

Notre Groupe continuera de lutter contre cette politique, qui tourne le dos à la solidarité, démantèle tous les services utiles à la population, toutes les actions de sens mises en œuvre sur le territoire, tout le travail de qualité des acteurs de terrain et qui met tout en œuvre pour empêcher un développement solidaire, social, humain, culturel, de notre territoire.

Je vous remercie.